tag:blogger.com,1999:blog-42483248147808897002024-03-14T04:08:33.157+01:00écrire ... pourquoi ? comment ?Pour qui aime écrire, quoi de plus intéressant qu'un auteur qui parle d'écriture...? Surtout, peut-être, s'il en parle sans en parler... Unknownnoreply@blogger.comBlogger149125tag:blogger.com,1999:blog-4248324814780889700.post-24476631000271041722019-08-09T20:00:00.002+02:002019-08-11T19:05:47.442+02:00Perfectionnisme et précision<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhK7ZXUs0L3tQ-yQbme_IIE9z4pdKArhvPdS2sFoyCEc9im-5HwlnhGl9j7RHE8Fk8p_EUkkmEVrsnJMgU9TjyJnNuUpaQiksBKKQ5ewEX5UhnP52MizboPOsWzfXnKQSxvt2epv1jQ7Pcc/s1600/ABaricco_MrGwyn.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1600" data-original-width="972" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhK7ZXUs0L3tQ-yQbme_IIE9z4pdKArhvPdS2sFoyCEc9im-5HwlnhGl9j7RHE8Fk8p_EUkkmEVrsnJMgU9TjyJnNuUpaQiksBKKQ5ewEX5UhnP52MizboPOsWzfXnKQSxvt2epv1jQ7Pcc/s320/ABaricco_MrGwyn.jpg" width="194" /></a></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>- Si vous commenciez par me dire quelle surface vous recherchez? </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Jasper Gwyn s'était préparé et donna une réponse précise. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>- J'aurais besoin d'une seule pièce, grande comme un demi-terrain de tennis. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>John Septimus Hill l'écouta sans ciller. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>- Quel étage? demanda-t-il. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Jasper indiqua qu'il l'avait imaginée donnant sur un jardin intérieur, mais il ajouta qu'un dernier égage pouvait convenir aussi, l'important étant que cela soit parfaitement silencieux et tranquille. Un vieux parquet, conclut-il, serait un plus. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>John Septimus Hill ne prenait pas de notes, mais il donnait l'impression d'empiler dans un coin de sa tête toutes les informations, comme on empile des draps repassés. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Ils parlèrent de chauffage, de salle de bains, de concierge, de cuisine, de finitions, d'huisseries, et de parking. Sur chaque point, Jasper Gwyn montra qu'il avait les idées très claires. Il fut catégorique sur le fait que la pièce devait être vide, complètement vide même. Le seul terme "meublé" l'agaçait. Il tenta d'expliquer avec succès qu'il n'était pas contre quelques taches d'humidité, çà et là, et peut-être des tuyauteries apparentes, de préférence en mauvais état. Il insista pour qu'il y ait des stores et des volets aux fenêtres, afin de moduler à sa guise la luminosité de la pièce. Quelques résidus de papier peint sur les murs ne lui déplairaient pas. Les portes, si elles étaient vraiment indispensables, devraient être en bois, et si possibles un peu gondolées. Des hauts plafonds, il décréta. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>John Septimus Hill empila tout soigneusement, les yeux mi-clos, comme s'il venait de terminer un repas copieux; puis il demeura un moment silencieux, apparemment satisfait. Enfin il rouvrit grand les yeux et s'éclaircit la voix. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>- Puis-je me permettre une question qu'on pourrait résolument qualifier de privée? </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Jasper Gwyn ne dit ni oui ni non. John Septimus Hill le prit comme un encouragement. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>- Vous exercez un métier qui requiert un degré incroyablement élevé de perfectionnisme et de précision, pas vrai? </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Jasper Gwyn, sans bien comprendre pourquoi, pensa aux plongeurs de haut vol. Et il répondit que oui, par le passé, il avait fait un métier de ce genre. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>- Puis-je vous demander de quoi il s'agissait? C'est une simple curiosité, croyez-moi. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Jasper Gwyn dit que pendant un temps il avait écrit des livres. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>John Septimus Hill soupesa la réponse, comme s'il voulait être sûr de pouvoir la comprendre sans mettre trop de désordre dans ses convictions.</i> </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
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</div>
<a name='more'></a><i>"Tout commence par une interruption". </i><br />
<i><br /></i>
<br />
<div style="text-align: justify;">
Cette citation de Paul Valéry est mise en exergue de cet étonnant petit livre.<br />
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Jasper Gwyn est un écrivain reconnu quand, soudainement, au détour d'une allée, il décide de ne plus écrire de livres. Le métier d'écrivain - et d'écrivain publié - comporte trop d'aspects insupportables. Il interrompt sa carrière et, du même coup, après une pause, se met en quête d'une piste de reconversion. Après tout, il faut bien faire uelque chose. Et l'écriture ne lui manque-t-elle pas? Si, bien sûr. D'où cette idée, certes surprenante, mais qu'il va tenter d'exploiter: il sera copiste. Et que croyez-vous qu'il copiera? </div>
<div style="text-align: justify;">
Les gens. </div>
<div style="text-align: justify;">
Copier les gens... Brosser le portrait, autrement dit. Mais pas avec un pinceau, évidemment. A sa manière, en utilisant les outils qui lui sont familiers: avec des mots. </div>
<div style="text-align: justify;">
L'auteur nous décrit les tribulations de ce personnage qui à tout à inventer de ce nouveau métier qu'il souhaite exercer, des rencontres qu'il est amené à faire, de ses recherches, de ses réflexions. Et ce faisant il donne corps à cette idée que chacun de nous est une histoire.<br />
<br />
Une réflexion sur l'écriture et l'écrivain, comme celle qui est menée dans <i><a href="http://blog.pourquoijecris.fr/2019/06/garder-lantenne.html" target="_blank">L'infini livre</a></i>, différemment à de nombreux égards: histoire, écriture, volume... Amusant d'avoir lu ces deux livres à faible intervalle... </div>
<div style="text-align: justify;">
Dans <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mr_Gwyn" target="_blank">Mr Gwyn</a>, Alessandro Baricco nous conte une histoire tout à la fois cocasse et poétique, d'une séduisante bizarrerie, aux protagonistes aussi attachants qu'improbables, une histoire très singulière. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Alessandro_Baricco" target="_blank">Alessandro Baricco</a>, </div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio/Mr-Gwyn#" target="_blank"><i>Mr Gwyn</i></a> </div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.gallimard.fr/" target="_blank">Gallimard</a> 2014, folio </div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4248324814780889700.post-90234166857261823902019-06-24T12:31:00.000+02:002019-06-25T10:18:47.618+02:00Je surprends des silences <div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjd4R_ihWq6VQ86wRuJbw2XxS0AkOK7vANCpUwLgPZVB2RQJQIEMshKk2Dw5DhmgjL06VOlKJybTmbrCBQ2geAon4PP1lz-ULW7DdNu-nN6PH9Rdm9f_OgXg_hwLAjkvMFRYXEbfNNUaGnW/s1600/G01852.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" data-original-height="1600" data-original-width="972" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjd4R_ihWq6VQ86wRuJbw2XxS0AkOK7vANCpUwLgPZVB2RQJQIEMshKk2Dw5DhmgjL06VOlKJybTmbrCBQ2geAon4PP1lz-ULW7DdNu-nN6PH9Rdm9f_OgXg_hwLAjkvMFRYXEbfNNUaGnW/s320/G01852.jpg" width="193" /></a></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Parfois je m'assois dans les églises pour penser à ma mère; je lui parlerais presque. Je ne crois en rien, nous sommes seuls et nous ne serons pas secourus, mais j'aime les églises alanguies dans le creux de l'après-midi. Je ne parle ni des cathédrales orgueilleuses ni des basiliques perchées, ni de la Madeleine ni de Saint-Germain-des-Prés, ni de Saint-Etienne-du-Mont ni de Saint-Sulpice, je parle des églises sans qualités, des églises de semaine, assoupies, à peine frottées de catéchèse par des dames de bonne volonté que chapeaute de loin un prêtre encore jeune, expéditif et souriant. Même dans les villes, même à Paris, à l'heure du goûter, la trépidance ordinaire reflue dans le vendre des modestes églises de quartier; la température y est à peu près constante, la lumière aussi, le temps s'y oublie, on y berce à bas bruit des douleurs irrémédiables, personne ne demande rien à personne, le confessionnal est vide, les arraignées s'affairent, ça sent la poussière froide, ça sent gris, c'est assez laid, on ne sera ni dérangé ni bousculé. Je pousse de lourdes portes capitonnées, je surprends des silences, je hume des ferveurs muettes qui me sont interdites, je me rassemble. </i><br />
<br />
<br />
<a name='more'></a>Est-ce le propre du romancier que de vous rejoindre par surprise, en un point inattendu? De vous faire un clin d'oeil à un moment ou à un autre et même parfois, comme les enfants, d'appuyer où ça fait mal?<br />
Ce livre-là ne fait pas mal, sa petite musique fait au contraire du bien. <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Marie-H%C3%A9l%C3%A8ne_Lafon" target="_blank">Marie-Hélène Lafon</a> déroule le récit d'une vie ordinaire qu'entrecoupent d'autres vies, réelles et fantasmées. Les fils d'une histoire se tissent, passé et présent, à tel point que les événements prévus finissent par glisser d'une vie à l'autre - il s'agit de vies: nos vies, c'est un fait - et la vie n'est pas toujours prévisible... L'auteur l'explique très bien.<br />
<br />
<i>Il y a comme ça des périodes où les plaques tectoniques de nos vies se mettent en mouvement, où les couvertures de nos jours craquent, où l'ordinaire sort de ses gonds; ensuite le décor se recompose et on continue; c'est plus ou moins grave, on en parle parfois à la télévision, à la radio, dans les journaux, ou ça ne sort pas du cercle de la famille, des amis et du voisinage; ça survient, ça arrive, ça entre dans la cage du temps pour n'en plus ressortir; rien ne pourra faire que ça n'ait pas existé (...). C'est de la mort, de la maladie, de la perte, de la trahison, de l'absence qui commence pour toujours ou pour longtemps, on ne sait pas, on tient, on fait face et on attend, on s'arrange plus ou moins, on vieillit, on dure.</i><br />
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
On dure.<br />
Et parfois la vie ouvre un nouveau chapitre.<br />
Comme cela peut aussi arriver en écriture: l'auteur signale à la fin du livre que ce roman a d'abord été une nouvelle... Quelle chance que l'auteur y soit revenu! </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Marie-Hélène Lafon, </div>
<div style="text-align: justify;">
<i><a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio/Nos-vies#" target="_blank">Nos vies</a></i>, </div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.gallimard.fr/" target="_blank">Gallimard</a> 2017, <a href="http://www.folio-lesite.fr/" target="_blank">folio</a> </div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4248324814780889700.post-39781598943331869592019-06-10T17:56:00.001+02:002019-06-19T14:49:28.164+02:00Garder l'antenne<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjxjhxsrtv06afo8Hg81F36QmmGAS3Cb3Dfrsp9DSiBhHolyIy4H8N5UZVQvGBtbji0RBOHqRJVdRB0-hln-qjc27hZ7WtbtnMkPewq6GjbrU_AOMRRTP1_56csstyvSmAWiwrKBhPukTRT/s1600/NoelleRevazLInfiniLivre.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="750" data-original-width="500" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjxjhxsrtv06afo8Hg81F36QmmGAS3Cb3Dfrsp9DSiBhHolyIy4H8N5UZVQvGBtbji0RBOHqRJVdRB0-hln-qjc27hZ7WtbtnMkPewq6GjbrU_AOMRRTP1_56csstyvSmAWiwrKBhPukTRT/s320/NoelleRevazLInfiniLivre.jpg" width="212" /></a></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Un des écrivains, sans explications, était venu sans son livre. Il avait dû subir une mésaventure. Il avait l'air mal à son aise et nerveux et Jenna avait l'impression que son corps était plus étroit que de coutume. Sans livre, un écrivain n'était pas beaucoup. Hors la présence de son livre, un écrivain se défaisait et perdait la majeure partie de sa substance. Mais sans écrivain aussi un livre n'était plus grand-chose. Il devenait un bloc de pages glissant en direction de la broyeuse. Jenna ne l'ignorait pas: qu'un écrivain en vienne à mourir, et c'étaient des dizaines de livres qui se retrouvaient sur-le-champ orphelinement inutilisables ou, au mieux, calés sous des pieds de tables ou, encore un petit peu mieux, coincés jusqu'à ce qu'ils blanchissent dans des décors d'émissions. </i>
</div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Il ne fallait pas pour autant penser que le livre était important. Cette erreur était ridicule. Elle pouvait être commise par quelques animateurs tenants de la vieille école ou par un critique malpoli mais, grosso modo, la plupart des gens du circuit savaient de quoi il était question: le livre était une estrade. Le livre était un simple escabeau sur lequel se poser le temps de répondre à des questions étiquetées "pour les écrivains". A partir de là commençaient les choses. Le livre était le passeport grâce auquel on pouvait soutenir des entretiens et fréquenter les émissions en répondant à des questions de tout genre, comme le temps, la durée, la circonstance, le moment, le lieu de la création; la situation, la position, la condition, la modalité, la conjoncture de la création; la particularité, la disposition, les instruments, les surprises de la création; les modèles, les événements, les anecdotes de la création. Ainsi qu'à toutes sortes d'autres questions permettant de garder l'antenne. La question suprême restant quand même bien sûr la question du message. Mais à tout écrivain cette question n'était pas donnée. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>L'émission suivait son chemin, et l'animateur-débutant mettait sur le gril l'écrivain venu sans son livre. L'un et l'autre étaient en train de perdre pied. Le livre n'était pas présent et quelle difficulté d'avancer sans son appui dans le vide! L'animateur faisait des efforts pour essayer d'être convaincu que l'être assis devant lui était bel et bien un écrivain. Néanmoins, on voyait son regard devenir sceptique et se raccrocher le plus possible aux livres qui étaient présents. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>L'écivain quant à lui semblait malheureux. Il expliquait que son livre était resté à la maison mais que cela n'importait pas, parce que tout était dans sa tête. Ce qui était évidemment faux. Le doute se répandait comme la peste. Un des écrivains invités, se dévouant pour les autres, se décidait à formuler l'interrogation: un écrivain sans livre était-il approprié sur un plateau? Comment être sûr de ce qu'on voyait? </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i><br /></i></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<a name='more'></a>Enfin un livre qui pose la vraie question: qu'est-ce qu'un livre...? Et, partant, qu'est-ce qu'un écrivain...?<br />
<div style="text-align: justify;">
Un livre est-il un bloc de pages qu'on peut utiliser pour caler une table? Un prétexte à débat ou, tout au moins, à conversation mondaine même si télévisuelle? L'occasion (<i>le passeport</i>) d'avoir une heure d'antenne? Un livre est-il fait pour être ouvert? Pas sûr - après tout, qui veut courir le risque d'une déception? D'ailleurs, au fait, un livre a-t-il un contenu? Sans doute. Mais, fondamentalement, le livre est-il son contenu ou son contenant? Et à propos du contenu, peut-on encore envisager d'écrire quelque chose de nouveau? Ou ne se retrouve-t-on pas à faire, à un degré ou à un autre, des textes de compilation? </div>
<div style="text-align: justify;">
Des questions surprenantes mais après tout peut-être plus pertinentes qu'on n'en a l'impression en première lecture. Certaines d'entre elles ne se posent-elles pas à notre époque? Ainsi celle du contenu <i>vs</i> contenant: avec la numérisation et la lecture sur liseuse, elle est régulièrement évoquée, bien que sous une forme un peu différente, et plus clivante que ne l'imaginent certains dévoreurs d'écriture. Et la dernière, sous la forme de l'intertextualité. </div>
<div style="text-align: justify;">
Pour autant, on l'aura compris, l'histoire de <a href="https://comediedulivre.fr/noelle-revaz" target="_blank">Noëlle Revaz</a> se situe à une époque dont on se dit (ou dont on commence par se dire) qu'elle est différente de la nôtre, qu'il s'agit d'un temps à venir. Un futur dont on ne sait pas trop jusqu'à quel point il est éloigné de l'époque actuelle - avant de se demander s'il ne s'agit pas plutôt d'un miroir tendu à notre époque... </div>
<div style="text-align: justify;">
En ce temps-là, quel qu'il soit, le monde dans lequel nous sommes projetés célèbre ses écrivains. Ecrivains dont Jenna, le personnage principal, fait partie. Jenna passe beaucoup de temps à la télévision, en particulier dès qu'un de ses livres (ap)paraît - dans des émissions où des animateurs distribuent la parole à différentes personnes, principalement des écrivains et des acteurs. Au cours de cette histoire - cette fable, plutôt - Jenna publie plusieurs livres, seule et en collaboration. Leur publication offre l'occasion d'organiser des fêtes - avec des amis loués pour l'occasion. Dans sa vie quotidienne, les enfants de Jenna (des post-it) ne l'encombrent pas trop. Et si elle sait qu'il existe des sociétés différentes de la sienne, ce n'est que parce qu'elle a l'obligation de communiquer à distance avec des étrangers dont elle n'a nulle envie de mieux connaître la manière dont ils vivent. </div>
<div style="text-align: justify;">
Jenna va cependant se poser des questions sur sa vie et ses ouvrages - après tout, elle est écrivain, les questions, les étapes, les reniements, ne sont-ils pas constitutifs du travail de l'écrivain? Et puis une rencontre, une autre, le monde qui change - la musique, par exemple... Jenna s'interroge sur l'écriture et sa vie va changer. </div>
<div style="text-align: justify;">
Une parabole qui se lit avec autant de plaisir qu'elle pose de questions, étonne et amuse d'un chapitre sur l'autre - des chapitres comme des polaroïds ou de courtes vidéos. Un livre curieusement énoncé à l'imparfait, écrit comme un constat, incisif, surprenant. Un livre qu'on ne regrette pas d'avoir pris en main sur la table de la librairie. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
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<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/No%C3%ABlle_Revaz" target="_blank">Noëlle Revaz</a> </div>
<div style="text-align: justify;">
<i><a href="http://www.editionszoe.ch/livre/l-infini-livre-1" target="_blank">L'infini livre</a></i> </div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.editionszoe.ch/" target="_blank">Editions Zoé</a>, 2014. <a href="http://www.editionszoe.ch/collections/poche" target="_blank">Zoé Poche</a> 2019<br />
<br />
PS. <a href="https://www.editionsin8.com/index.php?option=com_content&view=article&id=38:la-fable-du-gros-nom&catid=8:actualites" target="_blank">Un article comme un écho</a>... </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4248324814780889700.post-38531921877594902582019-04-19T18:21:00.000+02:002019-04-20T12:38:57.962+02:00Avant on croyait <div style="text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjGtG8Xqw3B8EDWZtWApND2qUzuHnSsGEQUXN7M7J0-45AB0lpM195Bjtrye6f7xUZ04w4R2-F0t5al3ww-aUGmP9-p_AwRZ8Gi9ZZKLeLxoiEP5ip-8PenfijqojMn5kCDlP778dEBG17I/s1600/MPorter_LaDouleur.png" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" data-original-height="1109" data-original-width="719" height="200" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjGtG8Xqw3B8EDWZtWApND2qUzuHnSsGEQUXN7M7J0-45AB0lpM195Bjtrye6f7xUZ04w4R2-F0t5al3ww-aUGmP9-p_AwRZ8Gi9ZZKLeLxoiEP5ip-8PenfijqojMn5kCDlP778dEBG17I/s200/MPorter_LaDouleur.png" width="129" /></a></div>
<i>Il semble que ça défnisse l'un de nous deux à tour de rôle tous les dix ans, de gros blocs de secouage de puces, puis de grands puits de mélancolie. </i><br />
<i>Comme tout le monde, en fait. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Avant on croyait qu'elle allait réapparaître un jour et dire que ça n'avait été qu'un test. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Avant on croyait qu'on mourrait tous les deux au même âge qu'elle. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Avant on croyait qu'elle pouvait nous voir à travers les miroirs. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Avant on croyait qu'elle était agent secret, qu'elle envoyait de l'argent à Papa et lui demandait des nouvelles. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Nous avons pris soin de la faire vieillir, de ne jamais l'emprisonner. Pris soin de l'appeler Grand-mère quand Papa est devenu Grand-père. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Nous espérons qu'elle nous aime bien. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i><br /></i></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<a name='more'></a>A-t-on jamais lu parole plus vraie?<br />
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Une femme est morte. Elle laisse un mari éploré et deux fils. Ils trouvent de l'aide dans la compagnie d'un corbeau, venu avec le malheur et la souffrance et décidé à s'en charger... S'ensuivent de courts textes, d'une poésie insolite, prenant parfois des allures de journal intime, rédigés en alternance par le père, les fils, et... Corbeau - en ce qui concerne ce dernier, dont l'expression laisse parfois à désirer, il peut arriver qu'on soit un peu dérouté. Mais le malheur doit être dit, chacun le parle - ou le croasse - à sa manière. Pour fuir l'histoire qui continue, on raconte et on se raconte des histoires - avant de reprendre le cours de son histoire... en apprenant à conduire sur chemin cahoteux. </div>
<div style="text-align: justify;">
Un livre de deuil à la justesse saisissante, dont le ton n'a rien à voir avec celui qu'on réserve habituellement à la circonstance.<br />
Une fable, disent certains. Peut-être. Un livre inclassable, ça, en revanche, c'est certain, A lire pour son écriture.<br />
A lire plus évidemment plus attentivement encore si on est un habitué des grands fonds, un spéléologue des puits de mélancolie, l'un de ceux qui ont contracté la toxique habitude d'aller guetter une apparition au fond de leur chagrin ou de leur verre. Car on peut trouver dans cet ouvrage des raisons de relever la tête, ne serait-ce que pour voir s'il n'y a pas par là un corbeau prêt à discuter... </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.rfi.fr/emission/20160313-max-porter-ecrivain-britannique" target="_blank">Max Porter</a> </div>
<div style="text-align: justify;">
<i><a href="http://www.seuil.com/ouvrage/la-douleur-porte-un-costume-de-plumes-max-porter/9782021243567" target="_blank">La douleur est un costume de plumes</a></i> </div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.seuil.com/" target="_blank">Editions Seuil</a> 2016 </div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4248324814780889700.post-45147302383214250032019-04-18T17:34:00.001+02:002019-04-20T12:51:12.366+02:00Tout un monde se présente à vous par ma voix<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh9EMwDXjWMQZASOr7JUzFpVGhsPVSXi9OF_daVI94ryJAgYkyTDP9-F2knkn8B0K1nFF_MljyhBDQoqAM0ecWYbGvGjGd8XFaKp1rTGm_uZBpBfAaXNjyjFrD-xZT8rot1LzPmO1g0pmaB/s1600/Salina.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1039" data-original-width="600" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh9EMwDXjWMQZASOr7JUzFpVGhsPVSXi9OF_daVI94ryJAgYkyTDP9-F2knkn8B0K1nFF_MljyhBDQoqAM0ecWYbGvGjGd8XFaKp1rTGm_uZBpBfAaXNjyjFrD-xZT8rot1LzPmO1g0pmaB/s320/Salina.jpg" width="184" /></a></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Moi, Malaka, fils élevé dans le désert par une mère qui parlait aux pierres, je vais raconter Salina, la femme aux trois exils. Je vais dire ma mère qui gît là, au fond de la barque, et le monde qui apparaîtra sera fait de poussière et de cris. A l'époque où le monde a accueilli sa vie, il y avait des soleils qui faisaient saigner la peau et un désir de vengeance sauvage. A l'époque où le monde a accueilli sa vie, il y avait une enfant venue de nulle part. Elle est née loin, Salina, si loin que personne ne connaît le lieu exact ni de qui elle fut l'enfant, pas même elle. Moi, Malaka, qui dois faire le récit de sa vie pour que le cimetière décide de s'ouvrir ou pas, je choisis de commencer par ce jour de marche, à l'autre bout de sa vie, car c'est là que tout débute. Un jour de chaleur épaisse où un village entier a tourné sa tête vers les montagnes. Les mots que je vais prononcer, je les tiens de loin. Je n'ai pas connu ces jours rêches de combat. Ma mère me les a racontés mais elle ne s'en souvenait pas non plus. Elle les tenait d'une autre voix, celle de Mamambala. C'est elle qui lui a raconté ce que je vais dire. Moi, Malaka, fils d'une longue chaine de voix, je reprends les récits d'avant ma vie et de bouche en bouche, de veillée en veillée, je vous fais parvenir ce que fut cette journée. Ne vous fiez pas à ma solitude, nous sommes nombreux dans cette barque: tout un monde se présente à vous par ma voix. </i></div>
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<br /></div>
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</div>
<a name='more'></a>Malaka parle de Salina, sa mère, et c'est tout un monde qui se présente, le monde de Salina, tout un théâtre d'ombres, de chair, de sang, et de poussière.<br />
<div style="text-align: justify;">
Pierres et vent du désert, pleurs de nouveau-né et cris des guerriers, vengeances et exils, pardons refusés, pardon offert... Salina et ses malheurs, celui des origines et ceux de sa vie toute entière, les violences qu'elle subit et celles qu'elle déclenche, les malheurs qu'elle porte et qu'elle apporte, ceux du clan, ceux de l'exil et de la perte. Salina adoptée par Mamambala, acceptée par le clan, puis à nouveau exclue, comme une répétition de la blessure primitive. Salina abandonnique et abandonnée, qui n'accepte pas que l'amour lui soit refusé et ne vivra plus que de sa vengeance, nourrissant sa colère et s'y perdant. </div>
<div style="text-align: justify;">
Salina dont Malaka raconte la vie comme on conterait une légende, pour qu'enfin sa mère puisse connaître le repos. </div>
<div style="text-align: justify;">
Malaka. Le conteur par la voix de qui "<i>tout un monde se présente</i>" à nous. Le fils aimant d'une femme qui "<i>parlait aux pierres</i>", accompagne sa mère défunte pour son dernier voyage en la racontant aux hommes d'un pays qu'il ne connaît pas. Malaka qui a tant écouté Salina parle à son tour. Mais de qui Malaka est-il le nom, qui est vraiment Malaka? Au long du récit, la question se fait jour - et la réponse à la fin. </div>
<div style="text-align: justify;">
De Samilia (<i><a href="https://www.actes-sud.fr/catalogue/litterature-francophone/la-mort-du-roi-tsongor" target="_blank">La mort du roi Tsongor</a></i>) à Salina, Laurent Gaudé brosse des tragédies antiques à sa manière. Dans ces histoires, deux femmes au destin fracassé se dressent face à tous, imposant leur droit à la liberté; des enfants aux origines incertaines et ayant manqué d'amour présentent la facture en semant la violence: un traitement contemporain des grands mythes et une écriture assez poétique, des livres difficiles à lâcher pour qui s'y attelle. Ceux d'un auteur qui crée des mondes à notre intention... </div>
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<br /></div>
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<i><a href="https://www.actes-sud.fr/catalogue/litterature/salina" target="_blank">Salina, les trois exils</a></i> </div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.laurent-gaude.com/" target="_blank">Laurent Gaudé </a></div>
<div style="text-align: justify;">
Editions <a href="https://www.actes-sud.fr/" target="_blank">Actes Sud</a>, 2018</div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4248324814780889700.post-45009840613987628862018-09-08T00:59:00.000+02:002018-09-10T18:30:17.201+02:00Une chose lue<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiBBT5j4GvaHmdF5cbixAPh5sz3h9KF0wesaexBOO2dXOIh6hcA1fKORPREVPoqVusTjDUhuhEeLRcgrTBFazQZKCO_dVr8AFpnduC9G5Jg69Q6vVxrlnkizVDCf9VzJuE-nB1RKZRlPo-r/s1600/LesReglesDUsage_JoyceMaynard.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" data-original-height="576" data-original-width="351" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiBBT5j4GvaHmdF5cbixAPh5sz3h9KF0wesaexBOO2dXOIh6hcA1fKORPREVPoqVusTjDUhuhEeLRcgrTBFazQZKCO_dVr8AFpnduC9G5Jg69Q6vVxrlnkizVDCf9VzJuE-nB1RKZRlPo-r/s320/LesReglesDUsage_JoyceMaynard.jpg" width="195" /></a></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>En lisant cette partie du livre, Wendy comprit ce que Frankie avait ressenti cette nuit-là. Elle savait aussi que c'était derrière elle désormais. Que, pareil aux petites pointes vertes qui perçaient le noir d'un versant de montagne carbonisé sur la route du Monde du cactus de Harvey - ou peut-être même pas encore des pointes de vert, juste une ombre de couleur -, quelque chose commençait à renaître en elle. La terre reprenait forme; la couleur revenait. Elle n'était pas moins triste, de fait elle l'était peut-être davantage. Mais elle revivait. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Wendy avala une nouvelle gorgée de son Coca et ouvrit l'emballage du chocolat. Elle n'avait progressé que d'une page dans l'histoire, mais tout d'un coup un an s'était écoulé, et Frankie avait treize ans. Elle avait une amie désormais: Mary. Toutes deux projetaient de faire le tour du monde quand elles seraient plus grandes. </i><br />
<i><br /></i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Wendy se réjouit de voir que la situation semblait s'améliorer pour Frankie. Presque comme si la nouvelle amie de Frankie et ses projets de grand voyage auguraient qu'un avenir prometteur l'attendait peut-être elle aussi. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Tandis qu'elle dévorait les dernières pages, une chose la troublait pourtant: où était passé le petit garçon? Où était John Henry, celui qui lui rappelait Louie? Une jeune fille de treize ans n'avait sûrement aucune envie de traîner avec un petit garçon, ni de jouer sans arrêt aux cartes, comme elle le faisait quand elle était petite, pas plus que Wendy n'avait encore envie de jouer à Candyland avec Louie. Mais quelque chose dans le dénouement des dernières pages la remplissait d'effroi. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i><br /></i>
<i>Puis elle sut pourquoi on n'avait plus de nouvelles de Harry. A un moment, elle lisait que John Henry avait eu mal à la tête l'année précédente. Quatre phrases plus tard, il était mort. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i><br /></i>
<i><br /></i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Wendy était pétrifiée. Elle ignorait qu'une chose lue pouvait la faire autant souffrir. Elle relut le passage, au cas où elle aurait mal compris. C'était comme si une personne qu'elle connaissait vraiment était morte et, tout comme pour quelqu'un qu'elle aurait connu, elle sentit ses larmes couler. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
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</div>
<a name='more'></a><div style="text-align: justify;">
La mère de Wendy est partie le matin, comme n'importe quel autre matin, et elle n'est pas rentrée le soir. C'était à New York le 11 septembre 2001. Pour Wendy et les membres de sa famille, la vie est supposée suivre son cours - mais est-ce vraiment possible? Ca ne le sera pas pour tout le monde; pourtant certains tenteront de reprendre la route - en claudiquant.</div>
<div style="text-align: justify;">
Wendy fait feu de toutes les béquilles possibles, dont <i>Frankie Addams</i>, un roman dont l'héroïne lui ressemble, pense-t-elle. Le libraire qui lui a mis ce livre entre les mains est devenu un familier, de même que l'adolescente de son âge qui élève seule son bébé et quelques autres inconnus ou quasi-tels projetés dans sa vie par le séisme qu'elle vient de subir - tandis que, symétriquement, elle doit accepter d'autres séparations. Parmi les découvertes de Wendy, celle de la lecture va sans doute être d'une aide non négligeable: ce qui fait qu'il y a des livres dans ce livre, comme il y a, dans ce roman d'une mère perdue, d'autres mères qui s'ignorent, surgissent et se révèlent, des femmes qui, face à la nécessité, s'essaient à la maternité et s'en sortent plus ou moins bien. </div>
<div style="text-align: justify;">
Difficile d'imaginer qu'on puisse mieux décrire le deuil et les sentiments d'une adolescente que dans ce livre, le long chemin à parcourir pour reprendre le cours d'une vie qui paraît ne plus avoir de sens, la difficulté à accepter que les images de la personne aimée s'estompent progressivement, toutes ces questions auxquelles il n'existe pas de réponse, comme par exemple: </div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Elle se demanda ce qui était pire: avoir une bonne mère et la perdre, ou avoir une mauvaise mère qui vivait assez longtemps pour devenir vieille</i>. </div>
<div style="text-align: justify;">
Et puis cette idée que <i>Sa mère ne semblait plus cet être séparé, avec des vêtements, des chaussures et des cheveux, une voix, une démarche, une profession, mais elle était comme une partie d'elle-même. Un pièce encore en formation</i>. Tout comme elle-même est en formation... dans ce no man's land entre l'enfance et l'âge adulte que constitue l'adolescence, une période de la vie habituellement compliquée qui va l'être bien plus encore dans ce contexte. </div>
<div style="text-align: justify;">
Difficile de faire plus juste et plus sensible. Un très beau roman. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Joyce_Maynard" target="_blank">Joyce Maynard</a></div>
<div style="text-align: justify;">
<i><a href="http://www.philippe-rey.fr/auteur-Joyce_Maynard-138-1-1-0-1.html" target="_blank">Les règles d'usage</a></i> </div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.philippe-rey.fr/" target="_blank">Editions Philippe Rey</a> 2016, <a href="https://www.lisez.com/livre-de-poche/les-regles-dusage/9782264070715" target="_blank">10/18</a> </div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4248324814780889700.post-88049671662225903302018-07-11T18:00:00.000+02:002018-07-12T08:24:16.603+02:00Griffonner dans un carnet<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjqkE9ISeOo6qp08WwVsBfveYNDyK9U3k85N7AjcvExUT4yE6yKzFxL4RRKewDpCHfbk8nWXpCItapp2E4jgBZQFeh7_dnt80DA12rKg316pEH_BKnb-Eh-4W91lD8qiUGExp1c-vJqDRdr/s1600/ColumMcCann_13.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="576" data-original-width="351" height="200" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjqkE9ISeOo6qp08WwVsBfveYNDyK9U3k85N7AjcvExUT4yE6yKzFxL4RRKewDpCHfbk8nWXpCItapp2E4jgBZQFeh7_dnt80DA12rKg316pEH_BKnb-Eh-4W91lD8qiUGExp1c-vJqDRdr/s200/ColumMcCann_13.jpg" width="121" /></a></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Au printemps, il avait accepté d'écrire une nouvelle pour le magazine d'un quotidien, qui serait publiée à la Saint-Sylvestre. Un travail facile, avait-il d'abord pensé. Fin mai, il a commencé à ébaucher quelques images susceptibles de fonctionner, mais il s'est rendu compte qu'il se débattait, qu'il perdait le cap. Pendant une quinzaine de jours au début de l'été, il a couru après les idées, composé quelques paragraphes, laissant plusieurs d'entre eux en suspens. Il a compris qu'il remettait la chose à plus tard, qu'il la repoussait au fond de son esprit. De temps en temps, il revenait sur ses notes, mais les délaissait une fois de plus. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Il s'est demandé comment il arriverait à s'infiltrer dans le territoire d'un conte de Nouvel An: créer une série de feux d'artifice, peut-être, descendre une boule à facettes sur la grande place d'une ville, ou laisser la neige lentement s'émietter sur un rebord de fenêtre? </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Chaque essai de commencement - griffonné dans un carnet - s'est inscrit dans le noir. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<a name='more'></a><span style="text-align: justify;">Faut-il </span><i style="text-align: justify;">courir après les idées</i><span style="text-align: justify;"> ou les idées s'imposent-elles à l'auteur? C'est ce dont traite, plus ou moins, la suite du texte ci-dessus. Nous voyons surgir un personnage, nous le situons dans un environnement. Puis c'est un deuxième qui apparaît et leurs relations se précisent, à la faveur de l'irruption des autres personnages... </span><br />
<div style="text-align: justify;">
Dans cette nouvelle, la deuxième d'un recueil de cinq, Colum McCann nous offre une véritable leçon d'écriture. Présentée comme un exercice, elle est d'une lecture un peu particulière mais l'histoire et les personnages n'en sont pas moins là - aussi bien que le narrateur. </div>
<div style="text-align: justify;">
Symétriquement, on peut sans doute dire des autres nouvelles du recueil que chacune d'elles nous offre un exercice d'application et - pour reprendre en partie le titre de la nuvelle éponyme - <i>une façon de voir</i>... n'est-ce pas un peu la même chose?</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Colum_McCann" target="_blank">Colum McCann</a></div>
<div style="text-align: justify;">
<i><a href="https://www.lisez.com/livre-de-poche/treize-facons-de-voir/9782264067999" target="_blank">Treize façons de voir</a></i> </div>
<div style="text-align: justify;">
Editions <a href="https://www.lisez.com/?q=colum+mccann&neuf=1&s=" target="_blank">Belfond</a> 2016, <a href="https://www.lisez.com/livre-de-poche" target="_blank">10-18</a> 2017 </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4248324814780889700.post-24928964592807395682018-06-27T19:13:00.000+02:002018-07-01T20:37:18.871+02:00Je n'écrirais plus<div style="text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhfudUFaojEP7BJh0p2dGE-KQWFjptDotWF7C9cK5xuKCDHXzbKxLHtg02pUopMZFzuM8jElW3Hmrd5NdmqUTIdMsXDPGHFTx-0-j_qft_0HsIn9PPMJtHmvpPmIwkgtLO1kcfRHISuOOMg/s1600/LaPeauALEnvers.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" data-original-height="286" data-original-width="195" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhfudUFaojEP7BJh0p2dGE-KQWFjptDotWF7C9cK5xuKCDHXzbKxLHtg02pUopMZFzuM8jElW3Hmrd5NdmqUTIdMsXDPGHFTx-0-j_qft_0HsIn9PPMJtHmvpPmIwkgtLO1kcfRHISuOOMg/s1600/LaPeauALEnvers.jpg" /></a></div>
<i>Le froid avait cessé de me faire trembler mais il était en moi profond... "le livre est la mer qui brise la hache gelée en nous": j'avais souvent été hanté par la notation célèbre du </i>Journal<i> de Kafka, pris par sa mystérieuse poésie, sans bien comprendre ce qu'elle pouvait signifier pour moi. Ma vie, ces années-là, fut l'envers de cette phrase: l'impossibilité d'écrire laissait entière cette mer qui me gelait cœur et âme. </i><br />
<i>Je n'aimais plus. </i><br />
<i>Vivre sans aimer est un malheur, écrire sans aimer un péché commis par beaucoup. (...) Ne va pas croire que je ne le commis plus sous prétexte que je ne publiais plus... J'écrivais bien, tu sais, des mots qui n'étaient pas à moi, des mots pour les autres et que je n'aimais pas, des mots pour ne rien dire ou dire ce qui n'était pas moi, je crachais des mots-glaçons avec autant d'efficacité qu'un frigidaire américain et ma petite hache d'amour je l'avais laissée derrière moi, je l'avais perdue dans cette nuit froide et humide où j'avais enfin rendu les armes. </i><br />
<i>(Je ne le savais pas mais les mots ne disparaissaient pas - comme je le crus plus tard dans des soirs de colère, de révolte, d'humiliation ou simplement d'abattement - ils se réfugiaient dans ce château fort de mon âme, attendant une délivrance impossible.) </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>(...) </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Je n'écrirais plus. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Je ne connaîtrais plus cette hâte, cette allégresse d'un heureux malheur qui se prépare et s'accomplit dans le secret des nuits, toujours les nuits. Je n'entendrais plus ce chant monter, cette rumeur de la terre et du ventre qui fait un piétinement du diable en nous, comme si des armées nous dévastaient et, en même temps, nous libéraient. Je ne serais plus naïf: je serais un homme moderne, triste, pressé, respectable, protégé, qui n'aurait à lui qu'une boite à secrets à laquelle il se garderait de laisser personne s'intéresser de près. (...) </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Je n'écrirais plus: ce serait la paix des morts, la paix du silence quand on passe sur le champ de bataille pour ramasser les cadavres de soi-même indéfiniment allongés sur la plaine. Vent et cendres, gémissements étouffés. Est-ce que je n'avais pas le droit, moi assi, d'être heureux comme toi, d'avoir une maison, une femme et deux enfants et une de ces vies réglées qui nous amènent au cimetière, doucement, peinards, ayant assuré la loi de reproduction de l'espèce et pour cette peine mérité un corbillard trois étoiles avec toutes les options, clim' comprise? Je n'écrirais plus - que des bribes sur un carnet, debout à un feu rouge, feuille arrachée froissée au fond de la poche, allez roulez, mauvais souvenirs, allez mourez vieilles douleurs et les jours où je voudrais rester couché appelez ça les petits rhumatismes de l'âme, laissez faire la blessure inguérissable de la vie, on n'en meurt que le temps de mourir. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Je serais si bien tapi dans la forêt de moi-même que je ne m'y apercevrais jamais (...). </i><br />
<i><br /></i></div>
<div style="text-align: justify;">
<br />
<a name='more'></a>L'impossibilité d'écrire, l'impossibilité d'aimer - ou tout au moins d'aimer simplement, de le dire et de l'entendre, l'impossibilité à vivre... La recherche de l'autre, de soi-même - une vie entière... Des dégâts collatéraux, bien sûr - tout le monde ne sort pas indemme de relations amoureuses compliquées.<br />
L'éblouissement de l'instant, pourtant sans arrêt renouvelé, alterne avec les doutes et les peurs, les atermoiements et les lâchetés, sans jamais l'emporter. L'auteur nous offre une plongée dans les sentiments du narrateur, une introspection sans décorticage, un exposé au rythme de leur surgissement, des blessures, des débuts de cicatrisation...<br />
Quant à la question de l'écriture, elle reste posée... se nourrit-elle des difficultés d'être ou est-il plus facile d'écrire dans le bonheur?<br />
A chacun sa réponse, peut-être... </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_Audouard" target="_blank">Antoine Audouard</a>,<br />
<i><a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio/La-peau-a-l-envers" target="_blank">La peau à l'envers</a></i>,<br />
Editions <a href="http://www.gallimard.fr/" target="_blank">Gallimard</a> 2003, <a href="http://www.folio-lesite.fr/" target="_blank">Folio</a> 2005<br />
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4248324814780889700.post-73184424447004785972018-06-14T13:41:00.001+02:002018-07-01T20:38:16.830+02:00Des vides que tu ne remplis pas<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg2F8tNifXf_uxh5OUS_E7pQBnoVf_GcGt4WZXGFv-JgHHAdR5O_694InzaI9lrGV0j1JFnpXEK5iG5f5utB3v1Ph_Oo0gNUA5QvLWroZZzU1UPzyQTjPoSesjduLsYZyMXfddi3FB3eMcY/s1600/koltz-anise-le-cri-de-lepervier.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="264" data-original-width="163" height="200" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg2F8tNifXf_uxh5OUS_E7pQBnoVf_GcGt4WZXGFv-JgHHAdR5O_694InzaI9lrGV0j1JFnpXEK5iG5f5utB3v1Ph_Oo0gNUA5QvLWroZZzU1UPzyQTjPoSesjduLsYZyMXfddi3FB3eMcY/s200/koltz-anise-le-cri-de-lepervier.jpg" width="123" /></a></div>
<i><b>Tout arrive</b> </i><br />
<i><br /></i>
<i><br /></i>
<i>Tu construis des vides </i><br />
<i>que tu ne remplis pas </i><br />
<i>tu écris autour d'eux </i><br />
<i>tâtonnant leurs bords </i><br />
<i><br /></i>
<i>Dans leur centre </i><br />
<i>tout arrive </i><br />
<i>sans arriver </i><br />
<br />
<br />
<br />
<a name='more'></a>Une fois n'est pas coutume, un poème, l'intérêt étant qu'en quelques mots tout est dit. On ne voit pas très bien quel commentaire peut être ajouté, si ce n'est de signaler que ces vers sont d'<a href="https://www.printempsdespoetes.com/index.php?url=poetheque/poetes_fiche.php&cle=667" target="_blank">Anise Koltz</a>, qui a obtenu cette année le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Prix_Goncourt_de_la_po%C3%A9sie" target="_blank">Goncourt de la poésie</a>.<br />
Rien d'autre à noter. Si ce n'est... un autre poème, peut-être...?<br />
<br />
<br />
<i><b>Qui écrit ?</b> </i><br />
<i><br /></i>
<i><br /></i>
<i>Toxicomane de la parole </i><br />
<i>je m'endors sous son poids </i><br />
<i><br /></i>
<i>Est-ce moi qui écris le poème ? </i><br />
<i>est-ce le poème qui m'écrit ? </i><br />
<br />
<br />
<br />
<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Anise_Koltz" target="_blank">Anise Koltz</a>,<br />
<a href="http://www.editionsphi.lu/poesie-contemporaine/43-koltz-anise-le-cri-de-lepervier.html" target="_blank"><i>Le cri de l'épervier</i></a><br />
<a href="http://www.editionsphi.lu/" target="_blank">Editions Phi</a>, collection graphiti, 2000 - en coédition avec Ecrits des Forges, QuébecUnknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4248324814780889700.post-12164875176916967032018-05-26T01:55:00.001+02:002018-07-01T20:38:45.868+02:00Les paroles comme il faut<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhX1DQhwa_O2TtNpTNopJoo0aVFBg8Ke8VTPxJ0NKxqdcA91jv2lYmmRQF5aR7MQR9DSwQOpQ6u0-5sgt-l_olqPABjjy_yc_ojzkACf2tOFtRmVGy-0q_cmgVKmYPFMh5DaX9kjDPo3CeH/s1600/AupresDeMoiToujours.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" data-original-height="290" data-original-width="174" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhX1DQhwa_O2TtNpTNopJoo0aVFBg8Ke8VTPxJ0NKxqdcA91jv2lYmmRQF5aR7MQR9DSwQOpQ6u0-5sgt-l_olqPABjjy_yc_ojzkACf2tOFtRmVGy-0q_cmgVKmYPFMh5DaX9kjDPo3CeH/s320/AupresDeMoiToujours.jpg" width="192" /></a></div>
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<i>Ce qui rendait la cassette si spéciale pour moi, c'était cette chanson en particulier: plage numéro 3, </i>Auprès de moi toujours<i>. </i></div>
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<i>Elle est lente, fin de soirée et américaine, et il y a un passage qui revient sans arrêt, Judy chante: "Auprès de moi toujours... Oh, bébé, mon bébé, auprès de moi toujours..." J'avais alors onze ans, et je n'avais pas écouté beaucoup de musique, mais cette chanson-là, elle me prenait vraiment aux tripes. J'essayais toujours de laisser la bande à cet endroit précis pour pouvoir la mettre chaque fois que l'occasion s'en présentait. </i></div>
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<i>Je n'avais pas tellement de possibilités, vous voyez, car cela se passait quelques années avant l'apparition des baladeurs dans les Ventes. Il y avit un gros appareil dans la salle de billard, mais elle était toujours pleine de monde, aussi je ne m'en servais presque jamais. La salle de dessin avait aussi un lecteur, mais l'endroit était généralement aussi bruyant. Notre dortoir était le seul lieu où je pouvais écouter convenablement. </i></div>
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<i>Nous avions maintenant emménagé dans les petits dortoirs à six lits des baraques séparées, et le nôtre était doté d'un lecteur de cassettes portatif posé sur l'étagère au-dessus du radiateur. C'est donc là que j'allais dans la journée, quand personne d'autre ne risquait de s'y trouver, pour passer ma chanson encore et encore. </i></div>
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<i>Qu'avait cette chanson de si spécial? Eh bien, en réalité, je n'écoutais pas les paroles comme il faut en ce temps-là; j'attendais juste le passage "Bébé, mon bébé, auprès de moi toujours...". Et ce que j'imaginais, c'était une femme à qui on a dit qu'elle ne pourrait pas avoir de bébé, et qui toute sa vie a vraiment, vraiment voulu en avoir. Et puis se produit une sorte de miracle et elle a un bébé, et elle le tient tout contre elle et se promène en chantant "Bébé, auprès de moi toujours...", en partie parce qu'elle est si heureuse, mais aussi parce qu'elle a si peur qu'il arrive quelque chose, que le bébé tombe malade ou lui soit enlevé. Même à l'époque, je me rendais compte que ce n'était pas juste, que cette interprétation ne cadrait pas avec le reste des paroles. Mais ce n'était pas un problème pour moi. La chanson évoquait ce que j'ai décrit, et je l'écoutais encore et encore, toute seule, chaque fois que j'en avais l'occasion. </i><br />
<i><br /></i></div>
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<a name='more'></a><br />
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Curieux passage, dans ce livre fait de retours en arrière au cours desquels la narratrice raconte son histoire - leur histoire, car c'est d'un groupe, "son" groupe, qu'elle parle. Mais ce passage est personnel, c'est un souvenir dans l'histoire, le souvenir d'une chanson, et il y a cette phrase particulière dans la chanson mais aussi la manière dont la phrase est ressentie - comme il y a aussi ce sentiment que cette manière n'est pas la bonne et que la chanson est autre... </div>
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C'est un peu ce malaise, justement, que nous éprouvons parfois à la lecture de ce livre: dans ces lignes que je viens de lire, entre ce que je ressens et ce que je comprends, de quoi s'agit-il exactement? </div>
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Car le récit est fluide, le discours est empathique - mais le sujet est terrible. Dans une prose qui n'a rien à voir avec celle d'un traité de sciences sociales ou de philosophie, à l'aide d'une narratrice attachante évoquant son enfance et sa jeunesse, ses amitiés et ses amours, l'auteur réussit la prouesse de soulever de vraies questions éthiques sans jamais les formuler en même temps qu'il nous amène à nous en poser de nombreuses autres - qui varient sans doute en fonction de notre prisme personnel. On peut imaginer les suivantes: comment se structure-t-on quand on n'a pas de famille, comment se fabrique-t-on une famille de remplacement, quelles sont les règles qui régissent une communauté d'enfants, l'absence de famille se vit-elle de la même manière en dehors de l'abandon, les mensonges et les cadeaux destinés à embellir l'enfance embellissent-ils ensuite le reste de la vie ou produisent-ils l'effet contraire...? </div>
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Le récit est un récit d'anticipation mais c'est bien de nous et de notre rapport à la vie et à la réalité qu'il s'agit. Un roman formidable, dont l'écriture tout en retenue n'en rend le contenu que plus détonant. </div>
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<br /></div>
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<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Kazuo_Ishiguro" target="_blank">Kazuo Ishiguro</a><br />
<i>Auprès de moi toujours </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="https://www.hachette.fr/recherche?search_api_views_fulltext=aupr%C3%A8s+de+moi+toujours+" target="_blank">Editions des Deux Terres</a>, mars 2006, <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio/Aupres-de-moi-toujours2" target="_blank">folio</a> 2015 </div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4248324814780889700.post-84144407913521519082017-02-18T12:20:00.002+01:002018-07-01T20:39:07.474+02:00Quelques thèmes essentiels<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjnsVe6YNyQOOWo6IPLxgFmRv5hyphenhyphengrGymyyUK_wisan2p2RdYSJW8haXWUM7z7gPNrE0Oyzg33NIbZxS2yx0F23aq-FxgyCw3QALwcMOBP1kcXOWsmg6lodND1D0i31T1HASl_DlZWmDHpR/s1600/FCheng_LEternite.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="286" data-original-width="176" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjnsVe6YNyQOOWo6IPLxgFmRv5hyphenhyphengrGymyyUK_wisan2p2RdYSJW8haXWUM7z7gPNrE0Oyzg33NIbZxS2yx0F23aq-FxgyCw3QALwcMOBP1kcXOWsmg6lodND1D0i31T1HASl_DlZWmDHpR/s1600/FCheng_LEternite.jpg" /></a></div>
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<i><i>Dao-sheng voit bien qu'en ce bas monde les affaires humaines se ramènent à quelques thèmes essentiels: naissance, vieillesse, maladie, mort; au milieu de tout cela, une pincée d'aspiration par-ci, une once d'amour par-là. Cela dit, ces choses apparemment si simples, comme elles varient selon le lieu, le temps et les personnes! Prenons l'amour. Chez les uns, ce sont des coquineries à tout bout de champ; chez les autres, des serments pour l'éternité. Les uns changent de partenaires comme de chemises; les autres se confinent dans l'attente durant toute une vie. Il en va de même pour les autres affaires. Au premier abord, les clients répètent à peu près les mêmes questions: est-ce que le voyage se passera bien? Quel est le jour faste pour ouvrir la boutique? Quand est-ce que la femme sera enceinte? Quand est-ce que l'homme va revenir? Y aura-t-il une promotion? La fortune sera-t-elle au bout? Comment la maladie se terminera-t-elle? La longévité est-elle assurée? Et pourtant chacun réagit différemment. A côté des optimistes, toujours exaltés et confiants, nombreux sont les incertains ou les résignés qui, une fois la prédiction entendue, s'en vont divisés ou accablés. </i></i></div>
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<i>Peut-on cependant se limiter à cette constatation de la variété de signes humains? Doit-on vraiment accorder la même valeur à tout? Ici, Dao-sheng a comme un sursaut, rendu plus vif par ses propres tourments et doutes. Il se rappelle l'enseignement du Grand Maître. Celui-ci n'avait-il pas répété que divination et médecine ne sont pas affaire de recettes, qu'elles ne sont rien sans la pensée qui les fonde? A l'heure où menace le désespoir, n'est-il pas grand temps de revenir à cette pensée? Il est dit que tout est lié, que les signes humains ne sont pas séparables de ceux de la terre et du ciel. Au sein de cet ensemble organique, ce qui relie n'est ni chaîne ni corde, mais le souffle qui est à la fois unité et garant de la transformation. (...) C'est dans la mesure où le devin, aussi bien que le médecin, capte le </i>shen<i> au cœur d'une entité vivante qu'il peut la restituer dans la voie de la vie. </i></div>
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<a name='more'></a></div>
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Une fois encore, dire et redire que les livres ne vous tombent pas dans les mains par hasard... Celui-ci a surgi d'un carton, il devait prendre une direction qui s'est trouvée modifiée - quelle chance! </div>
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Ce merveilleux roman d'amour à l'écriture aussi forte que fluide, présenté comme un <i>Tristan et Iseult</i> chinois, est certes l'histoire d'une quête amoureuse mais il nous emmène bien au delà... Le tableau de la Chine de la fin de la dynastie Ming, époque de profondes mutations, les rencontres qu'on y fait, y sont certes pour quelque chose. Mais aussi éloignés que les personnages soient de nous, les réflexions de Dao-sheng, moine n'ayant pas prononcé ses vœux, devin et médecin traditionnel, ne peuvent pas ne pas toucher chacun au plus intime - à l'essentiel - et c'est là surtout ce qui importe.<br />
Et puis, au fait, n'observe-t-on pas que le passage cité pourrait facilement, au prix de quelques transpositions minimes, s'appliquer au travail de celui qui écrit? Ne peut-on pas le dire également en écriture, que les recettes ne sont rien si l'on n'arrive pas à capter le <i>shen</i>, le souffle, "<i>qui est le critère du vrai et du juste</i>" et permettra de restituer la vie...? </div>
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<br /></div>
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<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Cheng" target="_blank">François Cheng</a> </div>
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<i><a href="https://www.cairn.info/revue-de-litterature-comparee-2007-2-page-251.htm" target="_blank">L'éternité n'est pas de trop</a></i> </div>
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Editions <a href="http://www.albin-michel.fr/ouvrages/l-eternite-n-est-pas-de-trop-9782226127020" target="_blank">Albin Michel</a>, 2002, <a href="http://www.livredepoche.com/leternite-nest-pas-de-trop-francois-cheng-9782253154587" target="_blank">Le Livre de Poche</a> </div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4248324814780889700.post-45328798544254856732016-01-21T19:49:00.001+01:002018-07-01T20:39:44.697+02:00Une tache de couleur vive dans les bruns délavés de fin d'hiver<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="http://www.folio-lesite.fr/var/storage/images/product/eab/product_9782070458752_195x320.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" src="http://www.folio-lesite.fr/var/storage/images/product/eab/product_9782070458752_195x320.jpg" /></a></div>
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<i>Les premières journées d'avril sont une bénédiction à Toronto. Une petite vieille, minuscule dans son manteau de lainage bleu, recevait le soleil au bout d'un banc sous un grand chêne décharné. </i></div>
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<i>Une tache de couleur vive dans les bruns délavés de fin d'hiver, c'est ce qui avait d'abord retenu l'attention de la photographe. </i></div>
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<i>Il y avait le bleu profond du manteau, le rose magenta du béret, les boucles blanches qui s'en échappaient, un blanc éclatant, et sur le pourtour du béret ainsi qu'au centre, une broderie de perles argentées qui s'agitaient au soleil. Aux pieds de la dame, un grand sac de toile à motifs mauresques et, à gauche sur le banc, un carré de coton jaune quadrillé de rouge sur lequel étaient disposées des boulettes de mie de pain qu'elle distribuait aux oiseaux. </i></div>
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<i>La photographe avait pris place à l'autre bout du banc et l'avait observée discrètement. </i></div>
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<i>Elle était très vieille, ratatinée jusqu'à l'os, et il y avait quelque chose en suspens en elle, comme si elle était portée par une infinité de pensées qui se répandaient dans l'air pendant qu'elle nourrissait ses pigeons. Elle agissait avec méthode et lenteur. Quand son carré de coton était vide, elle allait puiser dans son sac un quignon de pain dont elle retirait la mie et façonnait ensuite les boulettes qu'elle disposait en rangs serrés sur le carré de coton. </i></div>
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<i>La photographe n'avait pas osé la prendre en photo. Elle aurait dû. Il y avait une lumière rose qui pétillait au coin de ses yeux. </i></div>
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<i>Elle ne se souvenait pas comment elle avait engagé la conversation ni comment elles étaient venues à parler des Grands Feux. </i></div>
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<i>La petite vieille était une survivante du Grand Feu de Matheson. Elle lui avait parlé d'un ciel noir comme la nuit et des oiseaux qui tombaient comme des mouches. </i></div>
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<i>Il pleuvait des oiseaux, lui avait-elle dit. Quand le vent s'est levé et qu'il a couvert le ciel d'un dôme de fumée noire, l'air s'est raréfié, c'était irrespirable de chaleur et de fumée, autant pour nous que pour les oiseaux et ils tombaient en pluie à nos pieds. </i></div>
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<br /></div>
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</div>
<a name='more'></a>Il pleuvait des oiseaux et non pas des chiens et des chats, et ce n'était pas une métaphore. Lors des Grands Feux qui ont ravagé l'une des régions du Québec au début du XXème siècle, les morts ont été nombreux et les survivants traumatisés. Il pleuvait des oiseaux et cette phrase fournit à ce livre un titre magnifique.<br />
<div style="text-align: justify;">
C'est sur cette période qu'a décidé d'enquêter une photographe, au moment où les survivants, de moins en moins nombreux, sont devenus très âgés. Son reportage la mène sur les routes et la conduit à faire la connaissance de vieillards qui ne sont pas ceux qu'elle cherchait. Intruse dans un univers qu'ils se sont fabriqué, elle peine à se faire accepter, mais y ayant réussi, fait des découvertes qui vont bien au-delà de son reportage. Charlie et Tom, les compagnons de Ted (était-ce bien Ted?), celui qu'elle cherchait et qui ne sera pas au rendez-vous, Marie-Desneige, sans parler de Bruno et Steve, tout un petit monde à la lisière du monde... </div>
<div style="text-align: justify;">
Les vieillards de cette histoire ont fait de la mort une compagne qui ne les effraie plus, est-ce pour cela qu'ils se révèlent capables de saisir l'opportunité d'une vie supplémentaire à chaque fois qu'elle se présente? </div>
<div style="text-align: justify;">
A la différence des deux romans précédents, également formidables, chacun à sa manière, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jocelyne_Saucier" target="_blank">Jocelyne Saucier</a> ne nous offre pas cette fois une histoire de famille - quoique... mais un très beau récit, très tonique, tout en images, plein de superbes descriptions - l'histoire démarre avec la quête d'une photographe - qu'il s'agisse de l'amour, de l'amitié, des corps vieillissants, diaphanes ou charpentés, des regards perdus et des mots qu'on économise, ou encore de l'humus, de la flore et des ciels des forêts canadiennes... </div>
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<br /></div>
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<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jocelyne_Saucier" target="_blank">Jocelyne Saucier</a> </div>
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<i><a href="http://www.folio-lesite.fr/Catalogue/Folio/Folio/Il-pleuvait-des-oiseaux" target="_blank">Il pleuvait des oiseaux</a></i> </div>
<div style="text-align: justify;">
Editions <a href="http://www.editionsxyz.com/catalogue/586.html" target="_blank">XYZ <i>inc</i></a> 2011, <a href="http://www.editionsxyz.com/catalogue/586.html" target="_blank">Denoël</a> 2013, <a href="http://www.folio-lesite.fr/Catalogue/Folio/Folio/Il-pleuvait-des-oiseaux" target="_blank">Folio</a> 2013</div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4248324814780889700.post-6782328473674065142015-12-30T12:12:00.002+01:002018-07-01T20:40:11.259+02:00La terre rouge au milieu de l'herbe verte<div style="text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="http://www.pol-editeur.com/photos/titus.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="http://www.pol-editeur.com/photos/titus.jpg" /></a></div>
<i>Il entend déjà le miracle que produira Marie, cette résignation que tout viendra piquer, provoquer pour qu'elle se remette à croire à l'amour de Titus. Ce sera le premier pic, l'absolu bonheur, aussitôt suivi du deuxième, la chute, en spirale, parce que l'esprit humain n'admet le pire qu'en détours, doit s'habituer, couler son malheur dans les méandres d'un fleuve trompeur. Je raconterai tous les cahots de l'abandon, se dit Jean, celui qui ne peut pas s'admettre, invente, implore, puis qui s'admet et rugit, avant de plonger l'âme dans la mort, de couper tous les fils qui la reliaient encore, pour l'installer dans une immobilité parfaite, sans perspective, sans distinction entre le jour et la nuit, hier et demain. </i>Que le jour recommence et que le jour finisse, sans que jamais Titus puisse voir Bérénice.<i> Il note. Ni avec Hermione ni avec Junie il n'est allé jusque-là, mais cette fois, c'est là qu'il veut entailler la créature, à l'endroit le plus tendre de sa chair, là où elle aime, où elle croyait être aimée et où elle est lâchée. Et il veut qu'on entende les échos de cette chute interminable, le son caverneux du vide entrelacé à celui de l'appel. Marie saura le rendre. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>J'hésite à la faire mourir, confie-t-il à Nicolas. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Ce sera plus émouvant, plus efficace. </i></div>
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<i>Et moins vrai. </i></div>
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<i>Que voulez-vous dire? </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>On ne meurt pas d'amour. Ce qui arrive le plus souvent, c'est ce désert dans lequel on entre pour un moment, l'hébétude de l'abandon. Ma Bérénice ne sera-t-elle pas plus héroïque si elle se retire sur ses terres dans le calme? Je veux que mes amants marchent au bord du suicide mais qu'ils n'y versent pas.</i> </div>
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<i>Nicolas réfléchit, mais il ne suit pas toutes les lignes que Jean dessine. Il survient toujours un moment où, lorsqu'il n'est question ni de gazette, ni du roi, ni de syntaxe, leurs conciliabules achoppent. </i></div>
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<i>Le désir qu'on a pour quelqu'un est une chose violente, dit Jean. Il vous pousse des griffes au bout des doigts. </i></div>
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<i>Que vos amants soient des vautours, mais vos héroïnes? </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Pourquoi y échapperaient-elles? </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Parce que ce sont des femmes. </i><br />
<i>Et moi je crois que c'est tout le contraire. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
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</div>
<a name='more'></a><div style="text-align: justify;">
Ce Jean qui veut raconter <i>tous les cahots de l'abandon</i> et discute de la violence de la passion avec son ami Nicolas Boileau n'est rien moins que le grand <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Racine" target="_blank">Racine</a>. Prenant prétexte d'une rupture amoureuse survenant à l'initiative de l'amant adultère, fondée non pas sur la raison d'Etat mais sur la toute-puissance de la sphère familiale, <a href="http://www.pol-editeur.com/index.php?spec=auteur&numpage=12&numrub=3&numcateg=2&numsscateg=&lg=fr&numauteur=6173" target="_blank">Nathalie Azoulai</a> se lance dans une biographie du <a href="http://salon-litteraire.com/fr/jean-racine/content/1810891-racine-biographie" target="_blank">grand dramaturge</a>.</div>
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Le lien peut sembler ténu, il tient dans le prénom de la narratrice, qui l'entend résonner en écho du malheur qui la tient: Bérénice.<br />
Bérénice se lance dans la lecture des alexandrins, s'y perd, s'y noie, s'attache peut-être au départ surtout aux répliques de ses sœurs d'infortune, ces amantes passionnées et malheureuses. Elle apprend des vers dont elle fait des sms - puis elle se met à décortiquer l'écriture, les intrigues, l'architecture des pièces. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Quand j'étais enfant, je voulais peindre la terre en rouge, la terre rouge au milieu de l'herbe verte. Je pensais qu'on pouvait écrire de la même façon.</i> </div>
<div style="text-align: justify;">
C'est <a href="http://www.espacefrancais.com/jean-racine/" target="_blank">Racine</a> qui parle. <a href="http://education.francetv.fr/matiere/litterature/troisieme/dossier/vie-et-oeuvre-de-jean-racine" target="_blank">Le grand Racine</a> - qui se souvient du petit Jean, élevé à <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Port-Royal_des_Champs" target="_blank">Port-Royal</a>, chez les Jansénistes, n'ayant connu des femmes que, très brièvement, tout petit garçon, la chaleur des bras de sa tante qui lui a été arrachée pour entrer au couvent. Le reste de sa formation se fera dans les livres - ceux qui sont permis et ceux qui ne le sont pas - certains, sans doute, sont entrés en résonance avec son histoire précoce... Mais son intérêt va surtout à la traduction et à la langue, la <i>gymnastique</i> de la langue, <i>cette gymnastique étrange</i>, dans laquelle <i>les mots s'exercent comme des muscles et assouplissent leurs résistances</i>. Sa solitude n'est pas totale: certains de ses maîtres et l'un des élèves constituent pour lui des objets d'attachement à des degrés divers. Et sans doute aussi des objets d'observation...<br />
Jeune adulte, il quitte Port-Royal et découvre le monde et la Cour. Nombre de choses lui sont étrangères. Ainsi la peinture. Il n'empêche. Lorsqu'il voit <i>une scène de Véronèse remplie de personnages: A regarde B qui regarde C qui regarde D, note-t-il plus tard dans ses cahiers. Il saisit là un mouvement qui lui plaît, mécanique et complexe comme les décalages du désir, se dit qu'il pourra désormais parler peinture comme on parle théâtre</i>. D'autres découvertes suivront, des amitiés également: Boileau, La Fontaine.<br />
Puis l'ascension vers le succès, la carrière de dramaturge et, pour finir, d'historien du roi. Le chemin n'est pas simple, il est compliqué par les rivalités et les états d'âme, mais personne ne sait aussi bien que l'enfant de Port-Royal devenu adulte non seulement décrire les passions mais les décrypter, en même temps que manier la langue.<br />
<br />
Titus aimait-il ou non Bérénice? Et Bérénice, qu'en advint-il? De celle de Racine et de la Bérénice contemporaine? La <a href="https://flipbook.cantook.net/?d=%2F%2Fwww.edenlivres.fr%2Fflipbook%2Fpublications%2F101954.js&oid=16&c=&m=&l=fr&r=http://www.pol-editeur.com&f=pdf" target="_blank">mise en abyme</a> de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Prix_M%C3%A9dicis" target="_blank">Nathalie Azoulai</a> offre le prétexte à une bien jolie redécouverte de Racine à travers cette biographie romancée qui fait une large part à l'enfance et au travail sur l'écriture. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nathalie_Azoulai" target="_blank">Nathalie Azoulai</a> </div>
<div style="text-align: justify;">
<i><a href="http://www.pol-editeur.com/index.php?spec=livre&ISBN=978-2-8180-3620-4" target="_blank">Titus n'aimait pas Bérénice</a></i> </div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.pol-editeur.com/" target="_blank">POL</a> éditeur 2015 </div>
Unknownnoreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-4248324814780889700.post-58184093717306042392015-10-03T23:25:00.000+02:002018-07-01T20:40:53.786+02:00Un engrenage utile à la conception d'un nouveau rêve<div style="text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh6eF0MPSoMlnWqhWfsU4EApRm_4WJ0g6-NyyMX7sSoyIiEQc5feGciQAa3Z4Rh4oBmUypxSFKBUiT6DuO8TWMk2ST9Geipz_yb8HE_93S6yhD9A9u6qdwDZbpitPVxG3cN0r6pBGZ2CBW7/s1600/GuillaumeSiaudeau_TarteAuxPommes.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh6eF0MPSoMlnWqhWfsU4EApRm_4WJ0g6-NyyMX7sSoyIiEQc5feGciQAa3Z4Rh4oBmUypxSFKBUiT6DuO8TWMk2ST9Geipz_yb8HE_93S6yhD9A9u6qdwDZbpitPVxG3cN0r6pBGZ2CBW7/s320/GuillaumeSiaudeau_TarteAuxPommes.jpg" width="195" /></a></div>
<i>La dernière fois que j'avais campé, c'était il y a une quinzaine d'années, avec ma sœur, papa et maman. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Papa avait lancé l'idée un samedi après-midi, et le soir nous avions garé la voiture à l'entrée d'un bosquet, avant de marcher plusieurs heures jusqu'à une clairière. Papa connaissait déjà l'endroit pour y avoir campé lorsqu'il était jeune scout. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>C'était drôle parce que ma sœur avait peur des bruits de la forêt et je m'amusais à mimer n'importe quel cri grossier d'animal, ce qui avait le don de la faire paniquer encore plus. Papa et maman étaient jolis et souriants. Cette soirée-là, au milieu de la clairière, à faire du feu et griller d'énormes pièces de bœuf, m'avait accueilli chaudement contre son épaule. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Moi je n'avais pas peur des petits bruissements de la forêt. Je passais mon temps à me demander à quel animal pouvait bien appartenir tel ou tel cri. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Les feux de bois brillent et réchauffent assez pour laisser à leurs braises le temps de mourir dans votre cerveau. Nous étions vraiment bien, la nuit nous jetant ses étoiles dans les yeux comme elle aurait offert du pain à des canards. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Je dormais dans une tente avec ma sœur, et papa et maman occupaient l'autre tente. Ma sœur n'arrêtait pas de dire "</i>t'as entendu?<i>". C'est vrai qu'il y avait un nombre incroyable de crissements à l'extérieur, mais pour moi chaque bruissement était un engrenage utile à la conception d'un nouveau rêve. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Je n'avais pas beaucoup dormi cette nuit-là, parce que je ne voulais manquer aucune miette de ce séjour à la belle étoile. </i><br />
<br />
<a name='more'></a>Lit-on par hasard tel livre tel jour? Une question qu'on est amené à se poser nombre de fois quand on a l'habitude de choisir ses lectures un peu au hasard des livres qui vous tombent sous la main ou sous les yeux... ce livre-là, dédié "<i>à ceux qui manquent</i>", était fait pour éclairer la journée d'aujourd'hui et il a merveilleusement rempli son office.<br />
C'est en effet une bien jolie trouvaille que ce premier roman qui parle si poétiquement d'enfance, d'amour, d'abandon, de chagrin, de flingue. Puis du désir de vivre quand il vous lâche et quand il revient et de tout ce qui fait qu'une vie est remplie ou semble vide...<br />
La langue de <a href="http://lameduseetlerenard.blogspot.fr/" target="_blank">Guillaume Siaudeau</a> est merveilleusement économe et poétique - rien d'étonnant quand on connaît un peu <a href="http://lameduseetlerenard.blogspot.fr/" target="_blank">son blog</a>, l'un des premiers répertoriés sur ce blog-ci et sur lequel on peut retrouver <a href="http://lameduseetlerenard.blogspot.fr/search/label/parutions%20et%20publications" target="_blank">l'ensemble de ses publications</a>.<br />
D'une surprise à l'autre, un moment bien agréable, qu'on fait durer en revenant sur certains passages une fois le livre terminé.<br />
<br />
<a href="http://www.alma-editeur.fr/guillaume_siaudeau.html" target="_blank">Guillaume Siaudeau</a><br />
<i><a href="http://www.alma-editeur.fr/tartes_aux_pommes_et_fin_du_mond.html" target="_blank">Tarte aux pommes et fin du monde</a></i><br />
<a href="http://www.alma-editeur.fr/" target="_blank">Alma éditeur</a>, Paris 2013, <span id="goog_908267352"></span><a href="http://www.pocket.fr/livres-poche/a-la-une/01-litterature/tartes-aux-pommes-et-fin-du-monde/" target="_blank">Pocket</a> <span id="goog_908267353"></span>2015 </div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4248324814780889700.post-88469113838109608872015-05-27T13:08:00.000+02:002018-07-01T20:41:53.846+02:00La fraîcheur, c'est le style<div style="text-align: center;">
<iframe allowfullscreen="" frameborder="0" height="231" src="https://www.youtube.com/embed/XzvJ7R3Hkmo" width="415"></iframe><br />
<br />
<a name='more'></a><div style="text-align: justify;">
Le propos déborde le thème de l'écriture, en abordant nombre de thèmes chers à l'auteur et constitutifs de son œuvre, en plus de son actualité, en l'occurrence à cette date <a href="http://www.academie-francaise.fr/les-immortels/dany-laferriere" target="_blank">son entrée à l'Académie française</a>. <a href="http://www.lefigaro.fr/livres/2015/05/27/03005-20150527ARTFIG00099-jean-d-ormesson-a-dany-laferriere-j-ai-eu-le-coup-de-foudre-pour-toi.php" target="_blank">Hier, la remise de l'épée, en compagnie de Jean d'Ormesson</a>, demain, la Coupole.<br />
Mais c'est par ses livres que <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Dany_Laferri%C3%A8re" target="_blank">Dany Laferrière</a> se définit et c'est à eux qu'il revient, d'un sujet à l'autre, d'Haïti au Canada - en passant par la France. </div>
</div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4248324814780889700.post-33500590325087644582014-07-06T20:26:00.000+02:002015-10-28T16:35:18.450+01:00Le destin a le temps<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="http://www.folio-lesite.fr/var/storage/images/product/9bd/product_9782070365364_195x320.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="http://www.folio-lesite.fr/var/storage/images/product/9bd/product_9782070365364_195x320.jpg" height="320" width="190" /></a></div>
<i>Dans la nuit de septembre, au dessus de la ville en guerre, flottent des cortèges de mots encore immatériels mais aussi réels que ces ondes de valse dont l'existence, en tant que valse, dépend d'un poste de radio, au troisième étage de cette rue où un homme est à quelques pas de sa mort. Ces mots existent depuis la création du monde; ils ont beaucoup servi: "sacrifice suprême... mourir pour la patrie... nation reconnaissante... tombé au champ d'honneur... le meilleur de nos fils... pour que vive la France, ou l'Allemagne, ou..." Ces grands mots fatigués attendent de se poser.</i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Il leur faut pour cela deux choses: une bouche pour être prononcés, un nom propre auquel être accolés. Le coucou n'est pas difficile sur le choix de son nid, les grands mots, de même, ne choisissent pas leur homme, le premier venu fait l'affaire, mais leur faut une tête sur quoi se fixer sous peine d'errer indéfiniment dans ces limbes où sont les vélléités. Tel est aussi le destin de la plaque de marbre sortie de la carrière obscure; lors même qu'elle est polie et mise en forme, elle reste vaine tant qu'elle n'a pas reçu, dans le creux de son grain, les profondes lettres d'or d'un nom qui donne un sens à la pierre en faisant d'elle un symbole pour les prières et un pense-bête pour les souvenirs. Quantité de plaques de marbre rangées comme des livres aux portes des cimetières, quantité de grands mots aussi commencent par une sorte de purgatoire avant de vivre leur vie de dalles et de mots. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>En ce soir du 11 septembre 1943 à Nantes, il s'en faut de quelques mètres, de quelques pas, qu'une plaque hérite d'un nom et qu'une volée de mots s'abatte sur un corps refroidi. Il s'en faut de la pression d'un doigt sur une gâchette. Le moment n'est pas encore venu. Le destin a le temps. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<br />
<a name='more'></a><div style="text-align: justify;">
Antoine Desvrières, Jean Rimbert et Werner de Rompsay, trois jeunes hommes au destin indissolublement liés, l'un d'eux doit mourir - au moins: c'est la guerre, alors qui sait... </div>
<div style="text-align: justify;">
Sous la plume de <a href="http://bibliobs.nouvelobs.com/documents/20080925.BIB2048/les-derniers-jours-de-paul-guimard.html" target="_blank">Paul Guimard</a>, le destin prend son temps, mieux encore, il effectue des simulations, il hésite entre les scénarios... </div>
<div style="text-align: justify;">
Le destin ou l'écrivain? </div>
<div style="text-align: justify;">
La vie ou l'écriture? </div>
<div style="text-align: justify;">
La vie connaît des points de bifurcation - mais entre plusieurs trajectoires, elle doit choisir. Forcément. </div>
<div style="text-align: justify;">
L'écriture n'est soumise à aucun "forcément"... </div>
<div style="text-align: justify;">
Dans la vie, il ne fait aucun doute que c'est bien le destin qui veut que l'on doive parfois son salut à une seconde de trop ou de moins, voire un millième de seconde, celui qui modifiera l'angle de tir; il ne fait aucun doute que c'est bien le destin qui veut que qu'une histoire d'amour soit tributaire d'un rendez-vous fixé à une date ou à une autre, qu'une rencontre de hasard puisse vous conduire à rater la vraie rencontre. </div>
<div style="text-align: justify;">
Dans l'écriture, l'écrivain décide. Et par ailleurs, à supposer qu'il envisage les différents destins possibles, il n'en reste pas moins que c'est lui qui suppose qu'un certain nombre d'évènements se dérouleront ensuite - même si certains de ces évènements constituent une suite logique. C'est lui également qui prête aux protagonistes les sentiments qui vont les animer durant la suite de leur vie, c'est lui qui imagine l'usure des sentiments et les fissures qui se creusent entre les êtres, c'est lui qui retrace la chronologie de tous ces destins imbriqués, personnages secondaires compris. </div>
<div style="text-align: justify;">
L'imbrication des destins individuels et la part du hasard dans nos vies constituent le sujet principal de ce roman. Avoir choisi pour héros un jeune résistant nantais ne fait que donner plus de relief aux évènements déclencheurs - en plus de se prêter à l'actualité des commémorations. </div>
<div style="text-align: justify;">
Un roman mené avec une grande dextérité, qui prendra sans doute pour nombre de lecteurs des résonances personnelles. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Guimard" target="_blank">Paul Guimard</a>, </div>
<div style="text-align: justify;">
<i><a href="http://www.folio-lesite.fr/Folio/livre.action?codeProd=A36536" target="_blank">L'ironie du sort</a></i>, </div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.denoel.fr/" target="_blank">Editions Denoël</a>, 1961, <a href="http://www.folio-lesite.fr/" target="_blank">Folio</a> 1974</div>
Unknownnoreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-4248324814780889700.post-81770272309637035382014-06-20T19:47:00.002+02:002015-10-28T16:36:48.713+01:00Ouvrir les volets à deux battants<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="http://www.folio-lesite.fr/var/storage/images/product/3c9/product_9782070457397_195x320.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" src="http://www.folio-lesite.fr/var/storage/images/product/3c9/product_9782070457397_195x320.jpg" height="320" width="193" /></a></div>
<i>Moi, ce que j'aime, c'est écrire et rien que pour moi; j'ai des cahiers et des cahiers, de poèmes et même un roman, mais ce qui me plaît surtout c'est d'écrire pour écrire et quand je m'arrête, c'est comme quand on se laisse aller sur le côté après l'amour, le sommeil arrive et, le jour suivant, il y a de nouvelles choses qui frappent à la fenêtre, c'est ça écrire, ouvrir les volets à deux battants et que les choses entrent, un cahier après l'autre; je travaille dans une clinique et ça ne m'intéresse pas qu'on lise ce que j'écris, ni Flora ni personne; ce que j'aime c'est finir un cahier, car alors c'est comme si je l'avais publié, mais il ne me viendrait jamais à l'idée de le publier pour de bon, quelque chose frappe à la fenêtre et ainsi de suite, un nouveau cahier comme on appelle une ambulance. C'est pour ça que Flora m'a raconté tant de choses sa vie sans s'imaginer qu'après, moi je me les faisais repasser tranquillement entre deux sommeils et que certaines, je les mettais dans un cahier, Emilio et Matilde, par exemple, ils sont entrés dans un cahier parce que ça, ça ne pouvait pas se limiter aux larmes de Flora et à des lambeaux de souvenirs. Jamais elle ne m'a parlé d'Emilio et de Matilde sans finir par pleurer. Moi après, je ne lui en reparlais plus de quelques jours, je l'orientais même vers d'autres souvenirs et un beau matin, je la ramenais vers cette histoire et Flora s'y précipitait de nouveau comme si elle avait oublié tout ce qu'elle m'avait déjà raconté, elle recommençait tout depuis le début et moi je laissais faire parce que, plus d'une fois, la mémoire lui ramenait des choses qu'elle n'avait pas encore dites, des petits bouts, et, de mon côté, je voyais apparaître peu à peu les points de suture, l'assemblage de tant de choses éparses ou supposées, casse-tête de l'insomnie ou de l'heure du maté; vint un jour où il m'aurait été impossible de distinguer entre ce que me racontait Flora et ce qu'elle et moi avions ajouté parce que tous les deux, et chacun à sa façon, nous avions besoin, comme tout le monde, que le puzzle se complète, que le dernier espace soit comblé par le dernier morceau, la couleur, la fin d'une ligne venant d'une jambe, d'un mot ou d'un escalier. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<a name='more'></a><div style="text-align: justify;">
Dans les dix nouvelles de ce recueil, l'écriture comble des vides que les existences ne cessent de creuser. Le mystère des âmes s'épaissit au fur et à mesure que chacun croit faire un pas vers l'autre; et regarder dans la même direction ne veut pas toujours dire qu'on observe la même chose. Est-ce là ce qu'on appelle le fantastique?</div>
<div style="text-align: justify;">
Certes. Pour autant, la frontière est souvent mince entre fantastique et quotidien. Il arrive que l'on retrouve à la lecture le sentiment d'étrangeté parfois ressenti au contact de ceux qui nous sont le plus cher et qui nous échappent parfois au moment même où l'on pensait les avoir rejoints au plus profond. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Julio_Cort%C3%A1zar" target="_blank">Julio Cortazar</a>, </div>
<div style="text-align: justify;">
<i><a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio/Nous-l-aimons-tant-Glenda-et-autres-recits" target="_blank">Nous l'aimons tant Glenda - et autres récits</a></i>, </div>
<div style="text-align: justify;">
1980, <a href="http://www.gallimard.fr/" target="_blank">éditions Gallimard</a> 1982, <a href="http://www.folio-lesite.fr/Folio/livre.action?codeProd=A45739" target="_blank">Folio</a> </div>
Unknownnoreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-4248324814780889700.post-64675676462564563342014-05-01T19:17:00.002+02:002014-05-01T21:53:30.009+02:00Le découvrir en mots avec un stylo<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="http://www.christianbourgois-editeur.com/images/couv/978-2-267-02522-4g.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" src="http://www.christianbourgois-editeur.com/images/couv/978-2-267-02522-4g.jpg" height="320" width="232" /></a></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Il y avait </i>quelque chose<i> dans tout ça. Quelque chose </i>au sujet<i> de tout ça qu'elle craignait de ne jamais comprendre si elle ne trouvait pas le temps de s'asseoir à un bureau et de le découvrir en mots avec un stylo! Et pourtant, ce qu'elle était en train de faire - étreindre son enfant - l'empêchait de s'éclipser, de trouver un stylo et du papier ou d'allumer l'ordinateur. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Et quand bien même elle aurait eu le temps - alors quoi? Qu'écrirait-elle? Quelque chose les avait suivis jusque chez eux depuis la Russie? Ca n'avait aucun sens! Ca n'expliquait rien! Et Holly n'était plus écrivain, n'en était plus un depuis des années et des années, n'avait pas écrit une phrase décente ou un véritable vers depuis des lustres, depuis l'époque des repas servis pendant les vols, l'époque où on pouvait attendre à une porte que ses proches débarquent de l'avion et où les chasse-neige rugissaient dans les rues aux premiers flocons. Holly savait qu'elle pouvait avoir tout le temps d'écrire au monde, et en dépit de cette conviction qu'elle avait quelque chose à écrire mais pas le temps pour le faire, cela ne donnerait rien. Combien de </i>débuts<i> avait-elle griffonnés ces dix-huit dernières années, et combien de ces débuts n'avaient mené à rien d'autre que la frustration et une mauvaise humeur qui durait des jours? Des </i>centaines<i> de débuts, ne menant à rien. Quel aurait été l'intérêt de briser son angoisse de la page blanche, rien de moins que le jour de Noël?</i> </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<a name='more'></a><div style="text-align: justify;">
Holly sait - parce que les mères savent?<br />
Holly sait - et Holly sait qu'elle sait.<br />
Mais ce qu'il y a à savoir - et qu'au fond d'elle, elle sait - n'affleurera à sa conscience qu'en prenant le chemin du stylo et en arrivant sur le papier. C'est pour cette raison qu'il lui faut écrire. Parce qu'Holly ne sait qu'en écrivant?<br />
Holly sait qu'elle doit écrire. Est-ce parce qu'elle a cessé d'écrire que sa vie a dérapé? </div>
<div style="text-align: justify;">
<br />
Comme l'auteur qui lui a donné vie, Holly est poète. Mais à la différence de l'auteur, qui a publié plusieurs recueils, elle est en difficulté dans ce domaine. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>(...) elle était incapable de s'asseoir et d'écrire un poème. Le poème devait </i>venir à elle<i>. Elle était incapable </i>d'aller vers lui<i>. Et aucun poème ne lui était venu depuis une décennie et demie. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Très bien. Elle n'était pas une poétesse. Elle pouvait bien l'admettre aujourd'hui. Si elle l'avait vraiment été, les poèmes lui </i>seraient venus<i>. (...) </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>(...) Elle était une terre en jachère. Elle s'était toujours autorisée à croire qu'il </i>pouvait<i> y avoir quelque chose là - si elle se donnait le temps qu'il fallait avec le bon stylo, le bon bureau -, mais elle n'avait jamais trouvé tout ça, parce qu'elle aurait dû creuser pour trouver ces choses à l'aide d'un outil qu'elle se serait inventé elle-même. Impossible. "Assieds-toi donc et écris!" aurait dit son mari, mais Eric ne serait jamais en mesure de comprendre cette frustration, sa frustration: </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Holly avait la sensation évidente qu'un poème secret résidait au cœur de son cerveau, qu'elle était née avec, et qu'elle ne serait jamais, jamais capable de l'exhumer au cours de cette vie, de sorte que </i>s'asseoir et écrire<i> était devenu une torture. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<br />
Si le personnage principal du roman est confronté à ce problème d'écriture, pour autant celui-ci ne constitue pas la trame du roman, qui repose sur un huis-clos entre une mère et sa fille.<br />
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.telerama.fr/livre/laura-kasischke-une-ecriture-surnaturelle-crue-et-metaphorique,101228.php" target="_blank">Laura Kasischke</a> a un vrai talent pour créer une atmosphère troublante tout en contant des histoires qui semblent relever du quotidien le plus ordinaire. Les personnages d'<i>Esprit d'hiver</i> permettent à tout un chacun de se retrouver à des degrés divers et/ou de retrouver des préoccupations connues ou appréhendées. La journée chargée qui s'annonce mal, tant pour cause de météo défavorable qu'à cause du retard pris dans les préparatifs, la vieillesse des parents qu'il faut affronter, les changements à vue de son adolescente de fille durant les derniers mois, les sonneries intempestives du téléphone mobile, les invités qui se décommandent, les verres cassés... tous ces incidents nous font naviguer, voire slalomer entre les contrariétés d'une journée festive ratée et les fantasmes d'un récit à tiroirs, dont certains s'avèrent de plus en plus inquiétants. Et ce que Holly n'arrive pas à écrire va quand même finir par s'écrire - pour le lecteur et sous la plume de <a href="http://www.lemonde.fr/livres/article/2013/08/22/laura-kasischke-le-calme-trompeur_3464661_3260.html" target="_blank">Laura Kasischke</a>.<br />
<br />
Une histoire très particulière pour traiter de thèmes universels. Un très beau roman. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Laura_Kasischke" target="_blank">Laura Kasischke</a> </div>
<div style="text-align: justify;">
<i><a href="http://www.christianbourgois-editeur.com/catalogue.php?page=2&IdA=144" target="_blank">Esprit d'hiver</a></i>, <a href="http://www.christianbourgois-editeur.com/" target="_blank">éditions Christian Bourgois</a>, 2013 </div>
<div style="text-align: justify;">
Illustration de couverture:
<a href="http://www.modernisminc.com/artists/John_REGISTER/thumbnails/" target="_blank">John Register</a>, <i>The Light in the Mirror</i>, huile sur toile (détail) Modernism Gallery, San Francisco </div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4248324814780889700.post-78513773628531504822014-04-20T15:33:00.001+02:002014-05-13T15:44:12.230+02:00Artistes authentiques ou authentiques faussaires? <div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="http://extranet.editis.com/it-yonixweb/IMAGES/JUL/P3/9782260020967.JPG" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="http://extranet.editis.com/it-yonixweb/IMAGES/JUL/P3/9782260020967.JPG" height="200" width="122" /></a></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>J'étais face à un miroir et je ne me voyais pas dedans. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>En regardant de près nos vies, on s'aperçoit que nous ne sommes pas les héros de nos histoire personnelles. On a beau s'attendrir sur son sort ou jouir d'une notoriété qui souvent prête du talent à ceux qui ne savent pas le rendre, il y aura toujours quelqu'un de plus lésé ou de plus verni que soi. Ah! si seulement on pouvait </i>tout<i> relativiser - la préciosité, l'honneur, la susceptibilité, la foi et l'abjuration, la menterie au même titre que la véracité -, on aurait sans doute trouvé la satiété jusque dans la frugalité et mesuré très tôt combien l'humilité nous préserve de la démence - il n'est pire folie que de se croire le nombril du monde. Pourtant, chaque fléchissement nous prouve que l'on est bien peu de choses, mais qui l'admettrait? On prend le rêve pour un défi alors qu'il n'est qu'une chimère sinon comment expliquer qu'à la mort comme à la naissance on soit pauvres et nus? La logique voudrait que ne compte que ce qui reste, or nous sommes appelés à disparaître un jour, et quelle trace nous survivra dans la poussière des âges? L'image que nous donnons de nous-mêmes ne fait pas de nous des artistes authentiques mais d'authentiques faussaires. Nous croyons savoir où nous allons, ce que nous vous voulons, ce qui est bon pour nous et ce qui ne l'est pas et nous nous arrangeons pour faire en sorte que ce qui ne va pas ne dépende pas de nous. Nos maigres excuses nous deviennent des arguments irréfutables pour se voiler la face et nous érigeons nos hypothétiques certitudes en vérité absolue pour continuer de spéculer bien que nous ayons tout faux. Mais n'est-ce pas de cette façon que nous marchons sur nos propre corps afin de cohabiter avec ce qui nous dépasse? Au bout du compte, qu'avons-nous pourchassé notre existence entière sans le rattraper, sinon nous-mêmes? </i></div>
<br />
<a name='more'></a><div style="text-align: justify;">
Artiste authentique ou authentique faussaire, n'est-ce pas la question de l'identité de l'écrivain? </div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
Dans ce roman de <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Yasmina_Khadra" target="_blank">Yasmina Khadra</a>, le narrateur n'est pas un écrivain, loin de là. Né pauvre dans l'Algérie des années 20, ce n'est même que très tardivement qu'il apprendra à lire. Et s'il est capable de cultiver l'art de la débrouille dans son enfance, c'est avec ses poings qu'il gagnera finalement sa vie - mais comme on le sait dès le début du livre, sans savoir pourquoi ni comment, l'histoire se termine aux portes de la mort pour lui, devant la guillotine. C'est là que nous faisons sa connaissance et que nous l'écoutons dérouler ses souvenirs, ceux de ses drames familiaux, de ses amitiés de passage, de son éducation sentimentale, de son ascension professionnelle... le tout sur fond d'Algérie d'entre-deux-guerres. </div>
<div style="text-align: justify;">
Turambo, ce héros qu'on appelait du nom de son village englouti - un nom sans doute déformé par l'usage - est un personnage attachant dont on partage les tourments et qu'on aime à voir grandir. </div>
<div style="text-align: justify;">
Une excellente critique du livre peut être trouvée <a href="http://www.babelio.com/livres/Khadra-Les-anges-meurent-de-nos-blessures/495665/critiques" target="_blank">ici</a>, sous la plume de <a href="http://www.harmattan.fr/minisites/index.asp?no=31" target="_blank">Michèle Perret</a>. </div>
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<br /></div>
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<a href="http://www.yasmina-khadra.com/" target="_blank">Yasmina Khadra</a> </div>
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<i><a href="http://www.julliard.fr/site/les_anges_meurent_de_nos_blessures_&100&9782260020967.html" target="_blank">Les anges meurent de nos blessures</a></i> </div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.julliard.fr/" target="_blank">éditions Julliard</a>, 2013</div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4248324814780889700.post-33052583618435178292013-08-08T22:52:00.000+02:002013-08-09T10:08:42.891+02:00Gloser sur les hiéroglyphes du temps<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="http://www.gallimard.fr/var/storage/images/product/f9c/product_9782070443307_195x320.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" height="320" src="http://www.gallimard.fr/var/storage/images/product/f9c/product_9782070443307_195x320.jpg" width="193" /></a></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>J'ai cependant décidé - encore que très tard, peut-être trop tard, car beaucoup de témoins ne sont plus en vie - d'étudier à fond cette affaire. Cela me semble nécessaire déjà pour une première raison, c'est qu'à travers l'histoire de la famille Hammerstein on retrouve et l'on peut montrer, ramassés sur un très petit espace, toutes les contradictions et tous les thèmes décisifs de la catastrophe allemande (...). </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Un tel travail pose naturellement toute une série de problèmes littéraires mais aussi touchant à la théorie de la connaissance. </i></div>
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<i>John Lothrop Motley, historien américain du XIX° siècle, avait en la matière des idées très tranchées: "Une histoire de l'humanité n'existe pas", écrit-il. "Telle est la profonde et triste vérité. Ses annales n'ont jamais été écrites et ne le seront jamais; et même si elles existaient, nous serions incapables de les lire. Ce que nous avons, c'est telle ou telle feuille du grand livre du destin, apportée par le souffle des tempêtes qui parcourent la terre. Nous déchiffrons cela comme nous pouvons, de nos yeux myopes; mais tout ce qui en ressort n'est qu'un murmure confus. Nous avons affaire à des hiéroglyphes dont nous n'avons pas la clef." </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Je n'irai pas aussi loin que Motley, dont le scepticisme souffre d'un excès de romantisme. Mais dans un cas comme celui dont il s'agit ici, scrupules et réserves s'imposent absolument. Comme tout criminaliste l'apprend à ses dépens, les déclarations des témoins oculaires ne sont pas toujours à prendre pour argent comptant. Même les rapports faits de bonne volonté présentent plus d'une fois des lacunes ou des contradictions. Le désir de se faire valoir ou d'enjoliver les choses peut créer autant de confusion qu'une mémoire défaillante ou d'insolents mensonges. Les sources écrites ne sont guère plus fiables. Le mot "document" suggère une crédibilité qui est souvent imméritée. Les Mémoires rédigés longtemps après les faits pâtissent des éraflures de l'oubli. La pure et simple falsification est encore le moindre problème, on peut la démasquer. (...) </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>En dépit de ces difficultés, j'ai essayé de faire le départ entre les faits et les libres inventions. Beaucoup de choses n'ont pu être tirées tout à fait au clair. Il existe plus d'une fois plusieurs versions d'un seul et même événement. Une critique approfondie des sources ne peut qu'être laissée aux experts. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Pour autant ce livre n'est pas un roman. En risquant une comparaison, je dirai qu'il procède plus à la manière de la photographie qu'à celle de la peinture. Ce que j'ai pu établir grâce à des sources écrites ou orales, j'ai voulu le distinguer de mes jugements subjectifs, qui apparaissent ici sous forme de gloses. Pour compléter je me suis servi de la vénérable forme littéraire qu'est le "dialogue des morts". De telles conversations posthumes permettent de faire s'entretenir les gens d'aujourd'hui avec ceux qui les ont précédés; cette confrontation s'expose notoirement à bien des difficultés de compréhension, car les rescapés croient souvent en savoir plus long que ceux qui vivaient dans l'urgence permanente et y risquaient leur vie. </i></div>
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<br /></div>
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</div>
<a name='more'></a><div style="text-align: justify;">
Dans un post-scriptum intitulé "Pourquoi ce livre n'est pas un roman", Hans Magnus Enzensberger nous explique pourquoi il a décidé de s'attaquer à une biographie du général Kurt von Hammerstein-Equord et comment il a construit son ouvrage. Ce chapitre est d'autant plus intéressant que le propos du livre est aussi particulier que sa structure. En effet l'auteur est écrivain et non historien - or il s'attaque là à un gros travail d'archives, effectué avec beaucoup de minutie semble-t-il. Les résultats de son enquête nous sont présentés de différentes manières. Ils nous sont exposés très largement par l'auteur à travers le récit des événements et des faits que l'on peut reconstituer. Mais ces récits sont ponctués de <i>gloses</i>, qui permettent à l'auteur d'introduire, comme il le dit, <i>ses jugements subjectifs</i> - il s'agit en fait de digressions, composées de réflexions sur l'un ou l'autre des aspects du sujet. Viennent également ponctuer l'ouvrage des <i>Conversations posthumes</i> avec chacun des protagonistes de l'histoire, lors desquelles l'auteur cherche à compléter ses informations ou à vérifier tel ou tel point précis tout en bavardant agréablement avec les uns et les autres. Nul doute que l'écrivain est là et bien là - et non un historien.<br />
L'écrivain qui cherche à combler les trous laissés entre deux chapitres de l'histoire, ceux qu'a laissés la feuille envolée au vent, l'écrivain qui cherche, à sa manière, à décrypter les hiéroglyphes. </div>
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Ce livre est une somme et il passionnera qui s'intéresse à la période qui a vu la montée de Hitler en Allemagne. Il intéressera aussi pour la très forte personnalité des membres de la famille Hammerstein. <i>La peur n’est pas une vision du monde</i>, cette citation notée en exergue du livre, est une phrase prononcée par le général - l'un des officiers allemands qui exprimèrent clairement leur aversion aux idées d'Hitler dès le début. En dehors de ses valeurs morales et de son ouverture d'esprit, cet homme se distingue par ses qualités intellectuelles et son charisme. Toutes valeurs qu'il semble avoir transmis à ses filles qui, dans cette période difficile, n'ont pas hésité à prendre de nombreux risques pour défendre leurs idéaux. Mais l'auteur a raison, ce livre n'est pas un roman et il ne se lit pas comme un roman. </div>
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<br /></div>
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<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Hans_Magnus_Enzensberger" target="_blank">Hans Magnus Enzensberger</a> </div>
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<a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Du-monde-entier/Hammerstein-ou-L-intransigeance" target="_blank"><i>Hammerstein ou l'intransigeance - Une histoire allemande</i></a> </div>
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<a href="http://www.gallimard.fr/" target="_blank">Editions Gallimard</a> 2010 </div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4248324814780889700.post-56161510836788142462013-06-04T23:39:00.000+02:002019-06-10T18:48:57.394+02:00Au-delà de l'arbitraire<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="http://www.gallimard.fr/var/storage/images/product/c03/product_9782070394784_195x320.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" src="http://www.gallimard.fr/var/storage/images/product/c03/product_9782070394784_195x320.jpg" height="320" width="193" /></a></div>
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<i>Et il était maintenant bien déterminé à le faire. Toutefois il était malade, et au bord du trépas, investi qu'il était par ce cancer du foie qu'il avait la certitude de receler en lui - ou, à tout le moins, par cette cirrhose très avancée - en tout état de cause admise. Il n'était donc pas question qu'il prît la plume lui-même pour écrire. Quand, au début, il insistait sur ce point et réclamait quelqu'un pour sténographier ses dires, il entendait autour de son lit des voix lui répondre qu'il se faisait des idées, que, pour peu que qu'il retrouvât une "conscience normale" lui faisant apparaître qu'il se trouvait non dans la section des cancéreux, mais dans le service de neurologie et qu'il n'était pas malade au point de ne pouvoir tenir un crayon, il pourrait écrire des heures durant sans s'interrompre, et même avec un instrument aussi lourd que son stylo géant de marque "Pélikan" sans doute rapporté d'un voyage à l'étranger pour en mettre plein la vue aux gens. Le stylo en question, ainsi que les lunettes de plongée dont, même alité, il ne se défaisait pratiquement plus jamais, avec leur monture mangée de vert-de-gris et leurs verres ovales, chacun au bout de son pédoncule (on avait collé dessus, bien longtemps avant l'entrée en usage du ruban synthétique, une pellicule de cellophane vert foncé, et il les utilisait tels quels; de sorte que, cette nuit, tandis qu'il maniait sa tondeuse à narines avec, sur le visage, cette espèce de masque où saillaient, en un relief fortement accusé, au niveau des yeux et du nez, trois courts cylindres de métal légèrement coniques, il devait être apparu à son visiteur inattendu comme un être débarqué d'une autre planète), étaient les reliques d'un mort sur le compte de qui sa mère et lui s'opposaient furieusement, mais qu'ils avaient fini par nommer d'un commun accord: L'AUTRE. Ici, parce que - premièrement - les termes dans lesquels on avait parlé des reliques de L'AUTRE maintenant en sa possession étaient indiscutablement injurieux, et parce que - secondement - on avait plus au moins suggéré que s'il devait vraiment tomber bientôt dans un état comateux et mourir, toute sa relation personnelle des "happy days" ne servirait strictement à rien, la moutarde lui avait monté au nez. </i></div>
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<i>Avec colère il avait insisté une fois de plus sur ce qu'il voulait: "Ce que je veux qu'on prenne sous ma dictée, c'est une </i>Chronique de ce temps<i>; c'est quelque chose qui va bien au-delà de souvenirs personnels et de l'arbitraire qui s'y rattache. Si L'AUTRE, qui est un des personnages de cette histoire, n'avait pas été tué, juste avant la défaite, dans un chef-lieu de district, au cours d'une bataille de rue, il est plus que probable qu'il aurait été cité comme témoin devant le tribunal militaire de la région Extrême-Orient, réuni en session extraordinaire et contraint de se déplacer jusqu'au fond de la vallée forestière. Dès lors mon récit ne peut manquer de présenter le plus vif intérêt pour les Nations unies bien sûr, mais aussi, mais surtout pour l'actuel pouvoir politique de notre pays, qui est aux mains d'incontestables criminels de guerre réchappés de la tourmente." </i></div>
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<br /></div>
<a name='more'></a><div style="text-align: justify;">
La guerre et ses dégâts, la filiation dans toute son âpreté, l'enfance incertaine et sans arrêt reconstruite, l'impuissance devant la vie et les événements qu'elle vous impose, l'identité aux frontières floues et pas toujours satisfaisante, l'histoire qui s'inscrit dans le corps et la mémoire, comme un cancer qu'on croit porter et qu'on sent grossir en soi - aussi sûr qu'on entend et qu'on respire le silence assourdissant de ceux dont on voudrait tant être aimé... </div>
<div style="text-align: justify;">
Face à tout cela, que faire sinon écrire? Ecrire pour témoigner, pour dire qu'on n'est pas fou, quoi qu'en disent les autres, que le fou n'est pas celui qu'on croit? </div>
<div style="text-align: justify;">
Mais quelle est la valeur du témoignage de ce vieux petit garçon qui n'en finit pas de revisiter son enfance, resté coincé dans un espace-temps délimité d'où il n'arrive pas à s'enfuir? Quelle est la signification de son acharnement à laisser ce testament qui n'aboutira jamais, cette chronique insensée, cette dictée qui n'en finit pas? </div>
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Ce recueil de Kenzaburô Ôé (Nobel 1994) comporte quatre nouvelles, celle-ci étant la dernière et la plus perturbante. La première, "Gibier d'élevage", l'a fait connaître au Japon, lui obtenant le prix Akutagawa en 1958 (équivalent du prix Goncourt), avant d'être adaptée au cinéma. Dans les deux suivantes, le thème du handicap du fils (auquel a été confronté l'auteur) est très présent. Ces trois nouvelles se lisent plus facilement (même si ce n'est pas tout à fait le mot) que la dernière. Mais dans tous les cas, l'auteur a une présence qui sort de l'ordinaire. </div>
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<br /></div>
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"Le jour où Il daignera essuyer mes larmes"</div>
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<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Kenzabur%C5%8D_%C5%8Ce" target="_blank">Kenzaburô Ôé</a></div>
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<i><a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Du-monde-entier/Dites-nous-comment-survivre-a-notre-folie" target="_blank">Dites-nous comment survivre à notre folie</a></i></div>
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<a href="http://www.gallimard.fr/Contributeurs/Oe-Kenzaburo" target="_blank">Gallimard</a> 1982, <a href="http://www.folio-lesite.fr/Folio/livre.action?codeProd=A39478" target="_blank">Folio</a><br />
Illustration de couverture: <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Ferdinand_Hodler" target="_blank">Ferdinand Hodler</a>, Adoration - détail, <a href="http://www.kunsthaus.ch/" target="_blank">Kunsthaus, Zurich</a> </div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4248324814780889700.post-44884570590951638202013-05-11T22:30:00.002+02:002013-05-12T22:45:32.335+02:00Décider d'être épique<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="http://extranet.editis.com/it-yonixweb/IMAGES/118/P3/9782264042460.JPG" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" height="320" src="http://extranet.editis.com/it-yonixweb/IMAGES/118/P3/9782264042460.JPG" width="192" /></a></div>
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<i>Cependant que, sous la pluie, elle s'éloignait de l'arrêt de bus à travers les rues de Seattle où planait une odeur de moisi, Corliss pensa à Homère: «Dis-moi ô muse, le héros ingénieux qui tant erra après que sa ruse eut fait mettre à sac la célèbre citadelle de Troie.» Elle n'était pas Ulysse, et son voyage de huit heures en car ne méritait guère le nom d'Odyssée. Mais peut-être qu'Ulysse n'était pas non plus un héros si extraordinaire, songea-t-elle. C'était un drogué et un voleur qui abusait les handicapés. Le géant était peut-être grand et fort, n'empêche qu'il n'avait qu'un œil. C'est trop facile d'échapper à un monstre privé du sens de la perspective. Ulysse avait trompé sa femme et s'était déguisé en amant potentiel dans le but de l'espionner, puis il avait massacré tous ses soupirants avant de se faire reconnaître. Et c'était aussi un idiot romantique qui s'imaginait que sa femme lui resterait fidèle durant les vingt années où il avait disparu, passé pour mort. Égoïste et vaniteux, il avait sacrifié six de ses hommes afin de survivre à l'attaque d'un monstre. Et à la fin, alors que ses ennemis s'étaient massés pour le tuer, il avait été sauvé par l'intervention d'une déesse amoureuse de lui. A y réfléchir, et Corliss y avait souvent réfléchi, le poème épique était avant tout une œuvre de propagande militaire. Homère avait fait d'un crétin de menteur colonial l'un des personnages littéraires les plus admirés de l'histoire humaine. Aussi, se demandait Corliss, quelle leçon peut-on tirer d'Homère? Pour avoir droit à la qualification d'épique, il suffisait d'employer un biographe épique. Et comme elle racontait sa propre histoire, Corliss décréta qu'il s'agissait d'une autobiographie épique. Peut-être qu'elle était Homère, tiens! Peut-être qu'elle était Ulysse. Peut-être que tout le monde descendait d'Homère et d'Ulysse. Peut-être que tous les voyage étaient épiques.
</i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Alors qu'elle marchait, s'émerveillant devant l'architecture, devant les dimensions de la ville, Corliss aperçu un sans-abri qui mendiait à l'entrée d'un McDonald's, et elle décida d'être épique. L'homme était sale, enveloppé dans une vieille couverture pour avoir chaud, mais ses yeux d'un bleu impossible brillaient et il se tenait dans une attitude de fierté et de défi. Ce beau SDF n'était pas un vaincu. Il continuait à combattre ses monstres et qui sait s'il n'en serait pas un jour vainqueur. S'il gagnait, peut-être qu'il écrirait un poème épique sur l'odyssée qui l'avait vu sortir des ténèbres. Bon, peut-être que je suis romantique, se dit Corliss, mais il faut bien que quelqu'un le soit. Un guerrier doit partir en guerre contre les forces impériales du cynisme et du sarcasme. Je suis un soldat sentimental je vais venir en aide à ce sans-abri, aussi fou soit-il</i>. </div>
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<br /></div>
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<a name='more'></a><div style="text-align: justify;">
Les bibliothèques universitaires sont de passionnants lieux d'observation des habitudes de nos semblables. Mais on peut aussi y découvrir un poème qui vous entraîne beaucoup plus loin qu'on ne l'aurait imaginé, et vous livre une histoire qui n'est pas du tout celle que l'on attendait. </div>
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Difficile de parler de ce recueil de nouvelles, si ce n'est pour dire que chacune d'elles étonne, que chaque personnage est une rencontre. Le thème omniprésent est celui de l'imbrication des cultures et de la manière dont chacun s'en arrange... thème évidemment intéressant par son caractère universel - mais qui n'en donne pas moins lieu à un traitement extrêmement personnel. Rien de nouveau sous le soleil: sur cette question de la culture, <a href="http://www.lignesdevie.com/2013/03/la-cul-pas-entre-deux-chaises/" target="_blank">combien sommes-nous à nous sentir assis entre deux chaises?</a> Une bonne raison d'écrire, finalement. Si possible, quelque chose d'épique - d'une certaine manière. </div>
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<br /></div>
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<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Sherman_Alexie" target="_blank">Sherman Alexie</a> </div>
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Moteur de recherche</div>
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<i>Dix petits indiens</i> </div>
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<a href="http://www.albin-michel.fr/Dix-Petits-Indiens-EAN=9782226154965" target="_blank">Editions Albin Michel</a>, 2003, <a href="http://www.10-18.fr/site/dix_petits_indiens_&104&9782264042460.html?RECHA=Dix+petits+Indiens+" target="_blank">10/18</a></div>
GAlmhttp://www.blogger.com/profile/14190160504349296307noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4248324814780889700.post-39038913903279877342013-04-26T17:57:00.000+02:002013-04-26T18:00:09.226+02:00J'avais neuf ans<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="http://extranet.editis.com/it-yonixweb/IMAGES/POC/P3/9782266183581.JPG" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="200" src="http://extranet.editis.com/it-yonixweb/IMAGES/POC/P3/9782266183581.JPG" width="121" /></a></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Alors que j'écris mon dernier article, je ne peux pas empêcher de me rappeler le premier. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>J'avais neuf ans. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Il neigeait. Pas la misérable poussière blanche qui passe en général pour de la neige dans le Queens, à New York. Non, le ciel déversait véritablement de la neige, comme si quelqu'un avait dévissé le bouchon d'une salière géante tout là-haut. Des glaçons qui pendaient de nos gouttière affaissées étaient arrachés et propulsés entre les murs de brique de la maison, se brisant avec le bruit d'une balle qui heurte une batte. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Les écoles allaient rester fermées toute la semaine. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
Mon frère Jimmy a glissé sur la glace et il s'est cogné la tête, <i>avais-je écrit sur une feuille de papier quadrillé</i>. Il arrête pas de tomber ou de se faire mal. Il s'est cogné contre une porte, c'est pour ça qu'il a un œil au beurre noir. La semaine dernière il est tombé dans la baignoire et il s'est brûlé. Il est vraiment maladroit et maman arrête pas de lui dire de regarder où il va, mais il écoute pas. Il a que six ans.<i> </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>J'apportai cette histoire dans la cuisine, où ma mère était avachie sur la table, les yeux fixés sur une bouteille vide de Johnny Walker. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>- Lis-la-moi, me demanda-t-elle d'une voix traînante. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Quand j'eus terminé, elle me dit: </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>- OK, c'est bien. Je veux que tu l'apprennes par cœur. Ils seront là dans une heure. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i><br /></i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i></i></div>
<a name='more'></a><div style="text-align: justify;">
C'est l'histoire d'un homme, Tom Valle, qui ne devrait pas écrire de la fiction et qui pourtant s'y laisse aller - est-ce à cause de ce "<i>premier article</i>", qui déjà prenait quelques libertés avec la réalité...? Le journaliste en herbe de cette époque, qui ignorait tout de sa vocation future, n'avait que neuf ans et répondait à une commande, en plus de penser travailler pour la bonne cause. </div>
<div style="text-align: justify;">
Quel a été le moteur de l'adulte plus tard? C'est là l'un de ses sujets de réflexion. L'enfance compte-t-elle donc tant dans l'écriture... et le reste? </div>
<div style="text-align: justify;">
Et que va-t-il se passer quand Tom Valle, en pleine réhabilitation, va se trouver dans une situation où cette fois il va vouloir, à tout prix, faire surgir la vérité? </div>
<div style="text-align: justify;">
Sans doute ce qui se passe pour tous ceux qui ont trop souvent crié au loup alors que le danger n'était pas là... qui va les croire lorsque ce sera vrai? L'histoire est bien connue, on la raconte aux enfants pour les mettre en garde. Notre héros, "raconteur d'histoires", journaliste décrédibilisé, est-il devenu paranoïaque ou se retrouve-t-il pris dans une machination infernale qui va jusqu'à puiser ses ressorts dans ses écrits antérieurs? </div>
<div style="text-align: justify;">
L'auteur de ce roman policier à double détente fait monter le suspense avec une efficacité redoutable. Mais l'histoire a ce côté sympathique de mettre en relation fiction et réalité, écriture et vécu personnel, avec des personnages attachants. Un ensemble très cohérent, jusqu'à la dernière phrase, percutante. Un bon thriller, difficile à lâcher. </div>
<div style="text-align: justify;">
<i><br /></i></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://en.wikipedia.org/wiki/James_Siegel" target="_blank">James Siegel</a> </div>
<div style="text-align: justify;">
<i><a href="http://www.pocket.fr/site/storyteller_&104&9782266183581.html?RECHA=Storyteller+#" target="_blank">Storyteller</a> </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://www.cherche-midi.com/theme/Storyteller-James_SIEGEL_-9782749110295.html" target="_blank">Editions Cherche Midi</a>, 2011, <a href="http://www.pocket.fr/" target="_blank">Pocket</a></div>
Unknownnoreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-4248324814780889700.post-56417569775352029472013-04-14T20:56:00.002+02:002013-05-05T19:39:35.142+02:00Je suis un écouteur <div style="text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="http://www.terredauteurs.fr/local/cache-vignettes/L338xH512/couv_last_14x9-bf7c4.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" height="200" src="http://www.terredauteurs.fr/local/cache-vignettes/L338xH512/couv_last_14x9-bf7c4.jpg" width="130" /></a></div>
<i>Je suis un écouteur. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>(...) </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Vous m'avez croisé un jour ou l'autre, à coup sûr. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Mais si, réfléchissez: n'avez-vous jamais remarqué, alors que vous êtes assis à une table de restaurant, un homme seul, assis face à son assiette, ne feignant même pas d'attendre quelqu'un, mastiquant consciencieusement son repas, le regard inévitablement perdu dans le vague, ne s'arrêtant nulle part et surtout pas sur vous? </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Cet homme, c'est moi.
Régulièrement, je le sais - et parfois je vous entends - vous vous interrogez sur ma présence, ou même, pour les plus empathiques d'entre vous, sur ma vie: «Tu as vu ce type tout seul? </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>- Ce doit être triste... </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>- Moi, je ne dîne jamais seul... </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>- Parle moins fort: peut-être nous écoute-t-il!» </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Vous avez souvent raison. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Je suis seul et je vous écoute. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Mais ce n'est pas par dépit et, non, ce n'est pas triste! Depuis 30 ans maintenant, je passe tous mes repas au restaurant. Dans les brasseries, plus exactement. J'aime cette ambiance populaire, populeuse pourrais-je dire parfois; l'impression que cette foule qui m'entoure me protège sans m'envahir, me rassure en me faisant croire que je ne suis pas seul, mais sans violer mon intimité ni déborder sur mon espace vital. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Et j'ai besoin de vous qui m'entourez. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<a name='more'></a><div style="text-align: justify;">
Difficile de démarrer la lecture de cette nouvelle sans penser à l'interview d'une célèbre faiseuse de best-sellers qui à la sortie d'un de ses livres avait déclaré qu'elle faisait son miel de toutes les conversations glanées dans les cafés - que le lecteur retrouvait ensuite telles quelles dans ses livres. </div>
<div style="text-align: justify;">
<i>L'écouteur</i> d'<a href="http://www.emmanuelle-cart-tanneur.net/" target="_blank">Emmanuelle Cart-Tanneur</a> est-il un écrivain? Est-ce là le thème de cette nouvelle? </div>
<div style="text-align: justify;">
En arrière-plan, pourquoi pas... car comme l'écrivain, <i>l'écouteur</i> part d'un rien mais ce qu'il cherche, c'est la faille, le point de bascule, ce moment où la vie va bifurquer, sans retour possible. Et quand il pense avoir trouvé l'objet de sa quête, quel régal - mais non, il n'écrit pas... c'est <a href="http://www.lanthologiste.fr/emma-cart-tanneur/" target="_blank">Emmanuelle Cart-Tanneur</a> qui le fait (dans toutes sortes d'endroits!) et c'est elle qu'il vous faudra lire pour savoir ce que <i>l'écouteur</i> fait de ses trouvailles - vous ne serez pas déçus. </div>
<div style="text-align: justify;">
Dans le recueil qui contient cette nouvelle, <i>Et dans ses veines coulait la sève</i>, d'autres textes évoquent l'écriture, dont certains en lien avec la peinture. Dans trois d'entre eux, le monde réel finit par se confondre avec celui de la peinture - et l'écriture, alors? La métaphore est omniprésente. </div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="http://motcomptedouble.blog.lemonde.fr/2013/03/13/page-blanche-a-emmanuelle-cart-tanneur/" target="_blank">Emmanuelle Cart-Tanneur</a> maîtrise l'art de la chute et comme son <i>écouteur</i>, cultive la question de la bifurcation fatale, traque dans les vies des autres le détail qui va faire que... Les nouvelles sont variées et ne plairont sans doute pas à tous les publics au même degré: fantastiques, réalistes - au réalisme parfois discutable (ainsi on a le droit de penser que les curés de paroisse ont le cuir plus dur que celui que l'auteur leur prête, mais c'est vraiment là affaire de détail), plus ou moins noires. Il n'en reste pas moins que la lecture de ce recueil est vraiment agréable tant grâce à la surprise, constamment renouvelée, qu'à l'écriture enlevée. <a href="http://www.emmanuelle-cart-tanneur.net/prix-et-concours/" target="_blank">Chaque nouvelle a d'ailleurs été primée à l'occasion d'un concours</a> et on peut en trouver des traces <a href="http://motcomptedouble.blog.lemonde.fr/2013/03/13/page-blanche-a-emmanuelle-cart-tanneur/" target="_blank">ici</a> et <a href="http://calipso.over-blog.net/1-categorie-12312914.html" target="_blank">là</a>. On peut également se faire une idée de ce qu'écrit l'auteur <a href="http://www.emmanuelle-cart-tanneur.net/extraits/" target="_blank">ici</a> - un plaisir qui ne se dément pas. Et auquel on peut se livrer tranquillement: <a href="http://www.emmanuelle-cart-tanneur.net/" target="_blank">le nouveau blog</a> prend tranquillement de l'épaisseur... (seul défaut: sympa la photo, mais c'est la même que celle de <a href="http://blog.pourquoijecris.fr/search/label/B.Palayret">Bernard Palayret</a> - ça doit vouloir dire qu'on peut trouver plus personnel...). </div>
<div style="text-align: justify;">
Dernière remarque: l'éditeur (<a href="http://www.terredauteurs.com/" target="_blank">dont le site est sympathique et séduisant</a>) pratique une vraie différence entre le prix du livre papier et celui du <a href="http://www.emmanuelle-cart-tanneur.net/et-dans-ses-veines-en-numerique/" target="_blank">livre numérique</a>, c'est agréable et loin d'être systématique. A saluer, ainsi que <a href="http://www.terredauteurs.fr/spip.php?page=mosaicha" target="_blank">la formule originale de lecture en ligne</a>. </div>
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<br /></div>
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<a href="http://www.terredauteurs.fr/_Emmanuelle-Cart-Tanneur_.html" target="_blank">Emmanuelle Cart-Tanneur</a></div>
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L'écouteur, </div>
<div style="text-align: justify;">
<i><a href="http://www.terredauteurs.fr/spip.php?page=lire&id_article=125" target="_blank">Et dans ses veines coulait la sève</a></i>,<br />
<a href="http://www.terredauteurs.fr/" target="_blank">Editions Terre d'Auteurs</a>, 2013</div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4248324814780889700.post-36654816498235978152013-03-02T23:25:00.000+01:002013-03-04T23:01:30.331+01:00Le séisme de l'écriture<div style="text-align: center;">
<iframe allowfullscreen="" frameborder="0" height="310" src="http://www.youtube.com/embed/rNoNfcNAiOc" width="404"></iframe><br /></div>
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<br /></div>
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<i></i></div>
<a name='more'></a><i><br /></i>
<br />
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<i>L'écriture, c'est sismique. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>... </i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Ecrire, c'est être dans l'étreinte avec les mots et avec la matière verbale. C'est comme être dans la tranchée avec la matière des choses, avec la matière textuelle, ça se malaxe, ça cogne, on y va, on se retire, on recommence, c'est d'une certaine manière jamais fini... en ce sens que je publie des livres, évidemment, c'est à dire que du bloc textuel que je malaxe et qui est le même depuis le début, depuis que j'ai commencé à écrire, de temps en temps, du bloc, je retranche une masse et je la donne, ça va faire un livre. Mais c'est toujours la même chose qui se passe, c'est la même affaire qui se joue, je veux juste arriver avec le matériau verbal, en tout orgueil et en toute modestie, à faire incarner un monde. </i></div>
<div style="text-align: justify;">
(transcription libre) </div>
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<br /></div>
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L'une des vidéos enregistrées lors du <i><a href="http://www.ateliersdecriture.net/lafon" target="_blank">vendredi littéraire de Bing</a></i> consacré à <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Marie-H%C3%A9l%C3%A8ne_Lafon" target="_blank">Marie-Hélène Lafon</a>. </div>
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D'autres passages sont disponibles, tout aussi intéressants, comme l'anecdote sur l'institutrice qui donne le goût de l'écriture mais fait passer celui de la fiction... Une belle énergie, bien enracinée et qui circule bien. </div>
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On trouvera également d'<a href="http://www.ateliersdecriture.net/vendredis-litteraires" target="_blank">autres vidéos</a> sur le site des ateliers Elisabeth Bing, dans la <a href="http://www.ateliersdecriture.net/vendredis-litteraires" target="_blank">rubrique des vendredis littéraires</a>, avec <a href="http://blog.pourquoijecris.fr/search/label/IMM">les autres interviews réalisées par Isabelle Mercat-Maheu</a>. </div>
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