Le principe des articles de "pourquoi j'écris": un extrait de texte en italiques, un commentaire personnel ensuite, des liens (en bleu quand ils n'ont pas été utilisés, en gris ensuite) - et la couverture du livre, quand il s'agit d'un livre (le cas le plus fréquent), ou une illustration.
A la base: l'éclectisme, revendiqué.
Du moment qu'il s'agit d'écriture - de préférence de manière métaphorique, voire subliminale...
Associés à cette chronique, deux blogs annexes: "blogorrhée", pour pouvoir parler en sortant du cadre - éventuellement; et "mes textes", au cas où. On y accède par la bande horizontale du haut (même page) ou par le sommaire, à droite (nouvelle page).
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dimanche 15 janvier 2012

Quelque chose qui me concernait

Soudain, j'éprouvai la curieuse impression qu'il fallait me rendre sans délai dans la pièce où j'avais laissé mon manteau pour prendre un objet dans une poche. La chose ne souffrait aucun retard, mais impossible de savoir de quoi il s'agissait, ni qui recommençait apparemment à m'appeler, alors que ma voisine inconnue chantait apparemment à gorge déployée et qu'Abraham, affalé sur son tabouret, le dos au mur, les yeux clos, n'ouvrait pas la bouche. 
Mon esprit s'envola vers les rues désertes, détrempées par la pluie, les noirs cyprès courbés par le vent, les lumières qui s'éteignaient les unes après les autres dans les maisons, les champs inondés et les vergers aux arbres nus. Il se passait quelque chose dans l'une des cours obscures, me semblait-il, quelque chose qui me concernait et requérait ma présence. Mais quoi? Je n'en savais rien. 
Le groupe exécutait à présent "Si tu veux que je te montre la ville en gris". L'accordéon s'était tu pour laisser place aux trois flûtes qui cette fois, jouaient en parfaite harmonie sans le moindre couac. Ensuite, nous avions entonné "Où est-il parti ton bien-aimé, ô la plus belle des femmes?". Que devais-je aller chercher d'urgence dans la poche de mon manteau? N'ayant pas de réponse, je réfrénai l'envie de me lever pour me rendre dans la pièce à côté, et me joignis aux autres qui entamaient "le grenadier embaume", et "Mon amour, au cou d'albâtre"... Avant de commencer le chant suivant, je m'inclinai vers Daphna Katz, l'inconnue aux mains osseuses, et lui demandai tout bas ce que lui rappelaient ces airs. Rien de spécial, répondit-elle, surprise. Pas mal de choses, en fait, rectifia-t-elle ensuite. J'aurais voulu approfondir la question, mais Gili Steiner nous lança un regard assassin pour nous signifier de cesser ces messes basses. Du coup, je ne dis plus rien et me remis docilement à chanter. Elle avait une jolie voix de contralto, ma voisine. Dahlia Levine aussi. Rachel Franco était soprano. La voix de basse chaude et profonde d'Almozlino emplissait tout l'espace. Yohaï Blum jouait de l'accordéon autour duquel les trois flûtes s'enroulaient comme du lierre. C'était agréable de chanter ensemble par une nuit d'orage ces vieilles chansons du temps où tout paraissait clair et lumineux. 

Huit nouvelles, qui se passent dans la même bourgade, un village centenaire qui date d'avant l'Etat d'Israël. On y retrouve les mêmes protagonistes, tantôt au premier plan, tantôt en second rôle, pour ces scènes de vie, croquées au rythme de la vie de chacun: le médecin, la bibliothécaire, l'agent immobilier, le maire de la ville... L'une vit avec son père âgé, l'autre attend son neveu, un lycéen est confronté aux affres des premières amours, un homme s'interroge sur son couple... S'agit-il de nouvelles, s'agit-il d'un roman? Un roman par nouvelles, sans doute. On s'immerge dans la vie de Tel-Ilan, on finit par avoir l'impression d'en connaître les lieux, les horaires du bus, le paysage environnant.
Chaque nouvelle saisit une situation, s'en empare, nous plonge dans l'instant d'une vie. Est-ce qu'il se passe  quelque chose? On n'en est pas toujours certain... et puis si. Il se passe quelque chose - même si on ne sait pas toujours quoi. C'est parfois imperceptible mais c'est là, nous le sentons, nous savons que l'instant est décisif, ou va l'être... nous ne savons pas toujours pourquoi ni ce qui se passera ensuite - mais quelque chose aura changé. Amos Oz a vraiment l'art de saisir l'instant, le moment, dans toute sa fugacité. 

"Chanter" 

1 commentaire:

  1. tu donnes très envie de le lire... Encore un titre à ajouter sur ma liste! Merci.

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Ecrire, pourquoi pas? Et si vous commenciez par écrire ici...? Vous pouvez dire ce que vous pensez du livre si vous l'avez lu, ou bien de l'extrait cité... C'est à vous!

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