Le principe des articles de "pourquoi j'écris": un extrait de texte en italiques, un commentaire personnel ensuite, des liens (en bleu quand ils n'ont pas été utilisés, en gris ensuite) - et la couverture du livre, quand il s'agit d'un livre (le cas le plus fréquent), ou une illustration.
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jeudi 19 avril 2012

Une chambre à soi

Toutes mes vieilles plaies sont à vif, j'ai envie d'être morte. Après le départ de Jeannot, je me terre dans mon cagibi toute une journée. Je décide de ne plus retourner faire la boniche chez les Trouvé. Au plus noir de la nuit suivante, j'entre à pas de loup dans la chambre de Tante Louise, elle ronfle comme une demi-douzaine de soudards. Je sais où récupérer mon dû, les gages qu'elle m'a systématiquement confisqués depuis deux ans. La seule chose qui me reste à faire ensuite, c'est de prendre la poudre d'escampette. Au petit matin, j'arrive au bourg avec mon baluchon, peu avant l'heure du premier train... A Bordeaux, quelques jours me suffisent pour décrocher une place de bonne à tout faire. J'ai une chambre à moi! Avec une fenêtre! Quand il est très tard et que je suis enfin seule, accoudée à la rambarde, je contemple la ville endormie et je m'efforce de faire remonter mes souvenirs les plus anciens à la surface... 

Drôle d'histoire que celle de Thècle, l'héroïne de la première nouvelle de ce recueil (qui en comporte dix-sept). C'est un bien étonnant secret que celui qui lui a été livré par Jeannot cette nuit-là, la laissant abasourdie une journée mais lui rendant finalement sa liberté puisque c'est cette révélation qui lui donne la force de partir.
Partir et trouver une chambre à soi - on peut pourtant penser qu'à ce moment de son histoire, Thècle n'avait pas lu Virginia Woolf... à supposer qu'elle la lise ensuite. 
Placée au début du livre, cette nouvelle doit-elle être considérée comme un clin d'œil au lecteur? Ou une clé qu'on lui fournit, une sorte de code, qui serait révélé à travers ces trois petits mots, une chambre à soi...? La clé de l'écriture: car enfin, pour écrire, il faut certes une chambre à soi, comme disait Virginia, mais ne faut-il pas avant tout savoir changer de peau, et ce dans de nombreux sens du terme?
Les héros de Bernard Palayret témoignent d'une énergie vitale hors du commun, même si au moment où nous les croisons, ils donnent plus souvent l'impression d'être lourdement lestés d'eux-mêmes et des autres que de facilement sauter les obstacles que la vie leur oppose. Comme Thècle au prénom indécis, ils vivent ou ont vécu des histoires compliquées, parfois indicibles, même si - ou plus encore, peut-être! - celles-ci ne sont que fantasmées. Ces histoires peuvent venir de très loin... Au delà du passage de l'enfance à l'âge adulte en passant  par les tourments de l'adolescence, l'auteur brosse à l'occasion des fresques familiales sur plusieurs générations, très ancrées dans une terre qui accueille et nourrit - autant qu'elle emprisonne aussi... parfois.
Ce sont des histoires de vie qui nous sont contées ici, des trajectoires individuelles qui tentent, avec plus ou moins de succès, d'échapper à la fatalité des familles, des histoires dans lesquelles les accidents de la vie et les incidents du quotidien s'entrecroisent au rythme des heures ou des années, un instant valant parfois une vie, une rencontre ou une phrase pesant parfois plus lourd que des années de vide absolu. Quand on lit ce livre, on peut avoir l'impression de contempler la ville endormie, comme Thècle, accoudée à la rambarde, et d'écouter l'auteur qui, prenant la voix de l'un ou de l'autre, évoquerait les souvenirs de toutes ses vies....
Des nouvelles animées d'un très beau souffle. 

"Thècle" 

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