Parfois je m'assois dans les églises pour penser à ma mère; je lui parlerais presque. Je ne crois en rien, nous sommes seuls et nous ne serons pas secourus, mais j'aime les églises alanguies dans le creux de l'après-midi. Je ne parle ni des cathédrales orgueilleuses ni des basiliques perchées, ni de la Madeleine ni de Saint-Germain-des-Prés, ni de Saint-Etienne-du-Mont ni de Saint-Sulpice, je parle des églises sans qualités, des églises de semaine, assoupies, à peine frottées de catéchèse par des dames de bonne volonté que chapeaute de loin un prêtre encore jeune, expéditif et souriant. Même dans les villes, même à Paris, à l'heure du goûter, la trépidance ordinaire reflue dans le vendre des modestes églises de quartier; la température y est à peu près constante, la lumière aussi, le temps s'y oublie, on y berce à bas bruit des douleurs irrémédiables, personne ne demande rien à personne, le confessionnal est vide, les arraignées s'affairent, ça sent la poussière froide, ça sent gris, c'est assez laid, on ne sera ni dérangé ni bousculé. Je pousse de lourdes portes capitonnées, je surprends des silences, je hume des ferveurs muettes qui me sont interdites, je me rassemble.
Est-ce le propre du romancier que de vous rejoindre par surprise, en un point inattendu? De vous faire un clin d'oeil à un moment ou à un autre et même parfois, comme les enfants, d'appuyer où ça fait mal?
Ce livre-là ne fait pas mal, sa petite musique fait au contraire du bien. Marie-Hélène Lafon déroule le récit d'une vie ordinaire qu'entrecoupent d'autres vies, réelles et fantasmées. Les fils d'une histoire se tissent, passé et présent, à tel point que les événements prévus finissent par glisser d'une vie à l'autre - il s'agit de vies: nos vies, c'est un fait - et la vie n'est pas toujours prévisible... L'auteur l'explique très bien.
Il y a comme ça des périodes où les plaques tectoniques de nos vies se mettent en mouvement, où les couvertures de nos jours craquent, où l'ordinaire sort de ses gonds; ensuite le décor se recompose et on continue; c'est plus ou moins grave, on en parle parfois à la télévision, à la radio, dans les journaux, ou ça ne sort pas du cercle de la famille, des amis et du voisinage; ça survient, ça arrive, ça entre dans la cage du temps pour n'en plus ressortir; rien ne pourra faire que ça n'ait pas existé (...). C'est de la mort, de la maladie, de la perte, de la trahison, de l'absence qui commence pour toujours ou pour longtemps, on ne sait pas, on tient, on fait face et on attend, on s'arrange plus ou moins, on vieillit, on dure.
Est-ce le propre du romancier que de vous rejoindre par surprise, en un point inattendu? De vous faire un clin d'oeil à un moment ou à un autre et même parfois, comme les enfants, d'appuyer où ça fait mal?
Ce livre-là ne fait pas mal, sa petite musique fait au contraire du bien. Marie-Hélène Lafon déroule le récit d'une vie ordinaire qu'entrecoupent d'autres vies, réelles et fantasmées. Les fils d'une histoire se tissent, passé et présent, à tel point que les événements prévus finissent par glisser d'une vie à l'autre - il s'agit de vies: nos vies, c'est un fait - et la vie n'est pas toujours prévisible... L'auteur l'explique très bien.
Il y a comme ça des périodes où les plaques tectoniques de nos vies se mettent en mouvement, où les couvertures de nos jours craquent, où l'ordinaire sort de ses gonds; ensuite le décor se recompose et on continue; c'est plus ou moins grave, on en parle parfois à la télévision, à la radio, dans les journaux, ou ça ne sort pas du cercle de la famille, des amis et du voisinage; ça survient, ça arrive, ça entre dans la cage du temps pour n'en plus ressortir; rien ne pourra faire que ça n'ait pas existé (...). C'est de la mort, de la maladie, de la perte, de la trahison, de l'absence qui commence pour toujours ou pour longtemps, on ne sait pas, on tient, on fait face et on attend, on s'arrange plus ou moins, on vieillit, on dure.
On dure.
Et parfois la vie ouvre un nouveau chapitre.
Comme cela peut aussi arriver en écriture: l'auteur signale à la fin du livre que ce roman a d'abord été une nouvelle... Quelle chance que l'auteur y soit revenu!
Et parfois la vie ouvre un nouveau chapitre.
Comme cela peut aussi arriver en écriture: l'auteur signale à la fin du livre que ce roman a d'abord été une nouvelle... Quelle chance que l'auteur y soit revenu!
Marie-Hélène Lafon,
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