Le principe des articles de "pourquoi j'écris": un extrait de texte en italiques, un commentaire personnel ensuite, des liens (en bleu quand ils n'ont pas été utilisés, en gris ensuite) - et la couverture du livre, quand il s'agit d'un livre (le cas le plus fréquent), ou une illustration.
A la base: l'éclectisme, revendiqué.
Du moment qu'il s'agit d'écriture - de préférence de manière métaphorique, voire subliminale...
Associés à cette chronique, deux blogs annexes: "blogorrhée", pour pouvoir parler en sortant du cadre - éventuellement; et "mes textes", au cas où. On y accède par la bande horizontale du haut (même page) ou par le sommaire, à droite (nouvelle page).
Merci de votre visite et bonne lecture!

vendredi 20 juin 2014

Ouvrir les volets à deux battants

Moi, ce que j'aime, c'est écrire et rien que pour moi; j'ai des cahiers et des cahiers, de poèmes et même un roman, mais ce qui me plaît surtout c'est d'écrire pour écrire et quand je m'arrête, c'est comme quand on se laisse aller sur le côté après l'amour, le sommeil arrive et, le jour suivant, il y a de nouvelles choses qui frappent à la fenêtre, c'est ça écrire, ouvrir les volets à deux battants et que les choses entrent, un cahier après l'autre; je travaille dans une clinique et ça ne m'intéresse pas qu'on lise ce que j'écris, ni Flora ni personne; ce que j'aime c'est finir un cahier, car alors c'est comme si je l'avais publié, mais il ne me viendrait jamais à l'idée de le publier pour de bon, quelque chose frappe à la fenêtre et ainsi de suite, un nouveau cahier comme on appelle une ambulance. C'est pour ça que Flora m'a raconté tant de choses sa vie sans s'imaginer qu'après, moi je me les faisais repasser tranquillement entre deux sommeils et que certaines, je les mettais dans un cahier, Emilio et Matilde, par exemple, ils sont entrés dans un cahier parce que ça, ça ne pouvait pas se limiter aux larmes de Flora et à des lambeaux de souvenirs. Jamais elle ne m'a parlé d'Emilio et de Matilde sans finir par pleurer. Moi après, je ne lui en reparlais plus de quelques jours, je l'orientais même vers d'autres souvenirs et un beau matin, je la ramenais vers cette histoire et Flora s'y précipitait de nouveau comme si elle avait oublié tout ce qu'elle m'avait déjà raconté, elle recommençait tout depuis le début et moi je laissais faire parce que, plus d'une fois, la mémoire lui ramenait des choses qu'elle n'avait pas encore dites, des petits bouts, et, de mon côté, je voyais apparaître peu à peu les points de suture, l'assemblage de tant de choses éparses ou supposées, casse-tête de l'insomnie ou de l'heure du maté; vint un jour où il m'aurait été impossible de distinguer entre ce que me racontait Flora et ce qu'elle et moi avions ajouté parce que tous les deux, et chacun à sa façon, nous avions besoin, comme tout le monde, que le puzzle se complète, que le dernier espace soit comblé par le dernier morceau, la couleur, la fin d'une ligne venant d'une jambe, d'un mot ou d'un escalier. 

Dans les dix nouvelles de ce recueil, l'écriture comble des vides que les existences ne cessent de creuser. Le mystère des âmes s'épaissit au fur et à mesure que chacun croit faire un pas vers l'autre; et regarder dans la même direction ne veut pas toujours dire qu'on observe la même chose. Est-ce là ce qu'on appelle le fantastique?
Certes. Pour autant, la frontière est souvent mince entre fantastique et quotidien. Il arrive que l'on retrouve à la lecture le sentiment d'étrangeté parfois ressenti au contact de ceux qui nous sont le plus cher et qui nous échappent parfois au moment même où l'on pensait les avoir rejoints au plus profond. 

1980, éditions Gallimard 1982, Folio 

2 commentaires:

  1. Très bel article !
    Je me permets de le partager sur mon blog et citerai le votre :-)
    http://entresorts.canalblog.com/

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  2. Merci de votre visite et de votre commentaire, ravie de découvrir votre blog à mon tour.
    Si je puis me permettre, je pense que techniquement parlant un lien dans un texte parlant du blog aurait mieux valu car google pénalise les textes publiés plusieurs fois en cessant de les référencer. Cette pauvre Glenda risque donc de disparaître dans les ténèbres du net - mais après tout, les curieux qui viendront flâner sur nos blogs la redécouvriront, avec le plaisir qu'on a quand on trouve une pépite enfouie... (trente secondes de mégalo - Glenda donne lieu à bien d'autres articles sur le net et n'a pas besoin de nous!)

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Ecrire, pourquoi pas? Et si vous commenciez par écrire ici...? Vous pouvez dire ce que vous pensez du livre si vous l'avez lu, ou bien de l'extrait cité... C'est à vous!

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