Le principe des articles de "pourquoi j'écris": un extrait de texte en italiques, un commentaire personnel ensuite, des liens (en bleu quand ils n'ont pas été utilisés, en gris ensuite) - et la couverture du livre, quand il s'agit d'un livre (le cas le plus fréquent), ou une illustration.
A la base: l'éclectisme, revendiqué.
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jeudi 25 août 2011

Pour ne pas oublier

Dans tout ce gris, elle était une tache blonde, un éclat. Pas très grande pour son âge, une douzaine d'années, peut-être plus déjà. Ethel n'a jamais su l'age réel de Xénia. Elle est née quand sa mère avait fui la Russie après la révolution. La même année, son père est mort en prison, peut-être même qu'il a été fusillé par les révolutionnaires. Sa mère est allée de Saint-Pétersbourg vers la Suède, puis de pays en pays, jusqu'à Paris. Xénia a grandi dans une petite ville d'Allemagne, près de Francfort. Ce sont les bribes d'histoire qu'Ethel a apprises, et d'ailleurs, pour ne pas oublier, elle a ouvert un petit carnet sur la première page duquel elle a écrit, un peu solennellement: "Histoire de Xénia jusqu'ici".
Elle lui a parlé. Ou bien est-ce Xénia qui lui a parlé la première? (...)
Ce sont les yeux de Xénia. Elle n'avait jamais vu des yeux comme les siens. D'un bleu pâle, un bleu pâle, un bleu délavé - couleur d'ardoise délavé, couleur de la mer du Nord, a-t-elle pensé - mais ce n'est pas cette couleur qui l'a étonnée. (...) Ce qu'elle a remarqué presque aussitôt, c'est qu'ils donnaient au visage de Xénia une expression de tristesse douce - ou plutôt l'expression d'un regard lointain, venu du profond du temps, chargé de souffrance et d'espérance, comme s'ils filtraient à travers une poussière de cendre. Bien sûr, elle n'a pas pensé à tout ça sur l'instant. Cela s'est expliqué au fil des mois et des années, au fur et à mesure qu'Ethel reconstituait l'histoire de Xénia, Mais ce jour-là, dans la rue grise et crachineuse, un temps de rentrée des classes, le regard de la jeune fille l'a pénétrée jusqu'au fond de son âme d'un éclat indistinct et violent, et elle a senti son coeur battre plus fort.


Ethel cherche à reconstituer l'histoire de Xénia, qui la touche tant, mais dans Ritournelle de la faim, c'est l'histoire d'Ethel qui nous est livrée, une Ethel qui ne sait pas qu'elle lit quelque chose de son avenir dans le regard de son amie d'école. Ce jour-là, elle est encore une petite fille à l'enfance protégée, au moins en apparence et elle ignore encore que bientôt elle devra muer un peu trop vite, rattrapée par l'Histoire et les frasques d'un père immature... Très beau livre, dont la quatrième de couverture ne rend compte que de manière un peu trop subtile, pour qui n'est ni mélomane ni spécialiste des ouvrages antérieurs de l'auteur... (Le Boléro de Ravel et L'Africain). Les personnages sont émouvants (même Xénia, au fond) et on a du mal à les quitter. 

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