La vie est faite de couches, elle est fluide, mouvante, fragmentaire. Je n'ai jamais pu écrire d'histoire avec un début, un milieu et une fin, parce que cela ne me paraissait pas fidèle à la réalité. Voilà pourquoi j'écris comme je le fais. Ce n'est pas une méthode; c'est moi.
(...)
Pour chacun de mes livres, une phrase se forme dans mon esprit, pareille à un mascaret. Comme les citations collées sur les murs, du temps où nous vivions au 200 Water Street; des exhortations, des maximes, le faisceau lumineux d'un phare pour ne pas oublier et nous mettre en garde.
La Passion de Napoléon: "Je vous raconte des histoires. Croyez-moi".
Ecrit sur le corps: "Pourquoi l'amour se mesure-t-il à l'étendue de la perte?"
Powerbook: "L'homme libre ne pense jamais à la fuite."
The Stone Gods: "Toute chose garde l'empreinte de ce qu'elle a été un jour."
Dans mon roman précédent, Garder la flamme, j'avais travaillé sur l'idée d'un disque fossile. J'y revenais donc - l'impression d'écrire par-dessus, certes, mais tout en restant lisible. Les formes et les couleurs révélées à la lumière ultraviolette. Le fantôme pris dans la machine et qui s'invite dans le nouvel enregistrement.
Quelle était "l'empreinte"?
(...)
J'essayais d'écrire. Le livre me poussait. La création agit comme un détecteur de mensonges. J'avais envie de me mentir - si tant est que les mensonges sont un réconfort et une couverture.
Difficile de savoir qui est heureux et qui est normal dans l'histoire que nous conte Jeanette Winterson... et qui n'est autre que l'histoire de sa vie - ou tout au moins ce qu'elle arrive à en reconstituer. Mais après tout, qui de nous peut prétendre être heureux et a fortiori être normal...? Et que veulent vraiment dire ces termes? Est-on bien certain de les comprendre...? Projetés dans le Manchester des années 50, dans une famille où une gamine est supposée apprendre à lire dans le Deutéronome, rien n'est moins sûr.
Une chose que l'on comprend, en revanche, c'est que la poésie et l'écriture peuvent sauver - une idée qui semble parfois un cliché rebattu mais qui là, prend tout son sens et s'incarne véritablement. Par contrecoup, le lecteur ne sort pas indemne de ce livre.
A comprendre comment l'écriture permet de dégager le fil d'une vie, on se se surprend parfois à transposer des éléments qui braquent un projecteur inattendu dans sa vie à soi, ou à relire en filigrane des épisodes de son passé qu'on n'avait pas compris de cette manière-là. A croire que le détecteur de mensonges fonctionne aussi à distance... et que la singularité d'une vie n'empêche pas d'atteindre à l'universalité des sentiments - c'est toute la force de ce livre.
Livre dont son auteur dit qu'elle l'a écrit en temps réel, en particulier en ce qui concerne les retrouvailles avec sa mère de naissance. Il a donc valeur de témoignage (comme celui d'Amy Homes) mais pour autant il n'en est pas moins celui d'un écrivain et très largement un témoignage sur l'écriture.
A comprendre comment l'écriture permet de dégager le fil d'une vie, on se se surprend parfois à transposer des éléments qui braquent un projecteur inattendu dans sa vie à soi, ou à relire en filigrane des épisodes de son passé qu'on n'avait pas compris de cette manière-là. A croire que le détecteur de mensonges fonctionne aussi à distance... et que la singularité d'une vie n'empêche pas d'atteindre à l'universalité des sentiments - c'est toute la force de ce livre.
Livre dont son auteur dit qu'elle l'a écrit en temps réel, en particulier en ce qui concerne les retrouvailles avec sa mère de naissance. Il a donc valeur de témoignage (comme celui d'Amy Homes) mais pour autant il n'en est pas moins celui d'un écrivain et très largement un témoignage sur l'écriture.
Pourquoi être heureux quand on peut être normal?
Editions de l'Olivier, 2012
et puis, qui donc a envie d'être "normal"?
RépondreSupprimerou est-ce seulement à l'adolescence qu'on a ce genre d'idées?
;-)