Et pourtant, et c’'est là le grand mystère, la grande alchimie de notre geste: en un sens, dès l'’instant où nous prenons la plume, où nous posons les doigts sur le clavier, nous cessons d'’être la victime sans défense de tout ce qui pouvait nous asservir et nous diminuer avant que nous commencions à écrire. Nous ne sommes plus victimes, ni de notre situation ni de nos angoisses intimes; ni du «récit officiel» de notre pays, ni même du destin.
Nous écrivons. Le monde ne se referme pas sur nous. Quelle chance nous avons! Le monde ne devient pas plus étroit.
Cet extrait n'est pas issu d'un roman ou d'une nouvelle, mais d'un article intitulé "Pourquoi j'écris encore"; il porte sur les raisons d'écrire dans un monde violent, qui confronte à la guerre et à la souffrance, collective et personnelle. Il explique en quoi l'écriture, par la réappropriation du langage et de la pensée à laquelle elle oblige et qu'elle permet, rend l'auteur à l'humanité et à sa liberté d'être humain. La dernière phrase de l'extrait ci-dessus, sur le monde qui ne se referme pas sur nous, cette phrase qui termine l'article, renvoie à la "Petite fable" de Kafka, qu'il évoque au début de son texte.
Et aussitôt me reviennent en mémoire les paroles de la souris dans la «Petite Fable» de Kafka, alors que le piège se referme sur elle et que le chat rôde dans les parages: «Hélas, le monde devient plus étroit chaque jour.»
Or, moi qui vis depuis des années la réalité violente et extrême d’un conflit politique, militaire et religieux, je puis vous affirmer, hélas, que la souris avait raison: chaque jour qui passe, le monde devient effectivement plus étroit, plus réduit.
Or, moi qui vis depuis des années la réalité violente et extrême d’un conflit politique, militaire et religieux, je puis vous affirmer, hélas, que la souris avait raison: chaque jour qui passe, le monde devient effectivement plus étroit, plus réduit.
David Grossman écrit pour que le monde ne devienne pas plus étroit...
Pen Conference, avril 2007
Traduit de l'anglais par Serge Chauvin
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Ecrire, pourquoi pas? Et si vous commenciez par écrire ici...? Vous pouvez dire ce que vous pensez du livre si vous l'avez lu, ou bien de l'extrait cité... C'est à vous!