Lorsqu’un homme a l’idée insensée de s’enfermer chez lui, d’ouvrir un cahier et de reprendre à la verticale tout ce qui brûle en lui (pensées, espoirs, souvenirs), l’existence de la littérature ne lui est d’aucun secours. Le voilà seul devant cette page que personne ne réclame et qu’il s’obstine à écrire. La solitude le tenaille, l’impuissance le guette. D’ailleurs, qu’a-t-il à dire qui n’ait pas déjà été dit? A quoi bon ces pages, ces faux espoirs, ce temps perdu? S’il parvient à lever les obstacles en cherchant à tirer quelque profit de ses écrits, il deviendra dans le meilleur des cas un homme de lettres, un littérateur. Mais si malgré l’absence évidente de but, il persiste, c’est sans doute que sa volonté n’y est pour rien. Un besoin inexplicable le pousse, il se doit de lui obéir. Ecrire à la verticale. Aucune activité n’entraîne une pression aussi permanente et involontaire. Aucune retraite méditative ne génère un bruit aussi assourdissant. Bourdonnement sans trêve, magma de mots brûlant sur place, mais sans destinataire apparent, dans une évidence opaque, frontale, continue. Arrivé au moment longtemps repoussé de poser la première lettre, on se rend compte que les mots ne retracent aucune expérience, rien n’a eu lieu qui n’ait lieu sur la page au moment où il écrit.
Ce paragraphe est le premier d'une réflexion sur l'écriture, à laquelle se livre Bernardo Toro et que l'on peut trouver sur un blog ouvert pour l'un de ses romans. Comme on peut s'en rendre compte dès les premières lignes, l'auteur oppose écriture et littérature, entre autres à l'aide de la métaphore vertical - horizontal et avec des phrases très fortes sur la nécessité d'écrire, nécessité qui saisit tout l'être, pour en brûler le bois et n'en laisser que la cendre...
Bernardo Toro
Notes sur l'écriture
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