En réalité, je vis chaque instant avec une telle intensité que je parviens à le dédoubler, et même à le faire éclater en de si petits morceaux, qui à leur tour se dédoublent, pour finir par se multiplier comme les bactéries d'un bouillon de culture, que les secondes deviennent pour moi des mers de temps.
Extrait de Cerveaux en papier recyclé, l'une des cinq cents courtes nouvelles qui composent Microfictions, un livre de Régis Jauffret. Dans ce livre, dont la couverture de la version poche rend bien compte, chacune des nouvelles tient sur un recto-verso et l'ensemble fournit un musée des horreurs - horreurs ordinaires pour certaines d'entre elles, contemporaines en tout cas, que l'auteur recense puis classe en ordre alphabétique, d'«Albert Londres» à «Zoo». Ce sont des fragments, des bouts de vie en forme de gouttes d'eau, parfois délirants, parfois non, souvent à la limite - mais toujours des coups de poing, donnés au hasard dans la foule. A ne lire qu'à petites doses sous peine de risquer le choc septique - car il s'agit bien d'un bouillon de culture...
A noter: à plusieurs reprises le narrateur est un écrivain (la dernière nouvelle est un clin d'oeil de l'auteur - "clin d'oeil" à sa manière, tout sauf gentillet), ce qui nous vaut quelques passages sur l'écriture et ce qui va avec. Pour avoir son point de vue sur son travail, on peut lire l'entretien que relate son éditeur.
éditions Gallimard 2007
Illustration de couverture : Julie Guiches, Picturetank (détail)
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