J'ai pensé qu'elle ne reviendrait plus au Condé et que je n'aurais plus jamais de ses nouvelles. Elle disparaîtrait dans ce que Bowing appelait "l'anonymat de la grande ville", contre quoi il prétendait lutter en remplissant de noms les pages de son cahier. Un Clairefontaine à couverture rouge plastifiée de cent quatre-vingt-dix pages. Pour être franc, cela n'avance pas à grand-chose. Si l'on feuillette le cahier, à part des noms et des adresses fugitives, on ne sait rien de toutes ces personnes, ni de moi. Sans doute le Capitaine jugeait-il que c'était déjà beaucoup de nous avoir nommés et "fixés" quelque part.
Le café n'est pas celui des 4 vents, mais le Condé, ou celui de la jeunesse perdue... de l'auteur, dont on retrouve des facettes dans plusieurs personnages et sans doute de quelques autres... Patrick Modiano, lui aussi, note des informations sur des cahiers, il a même l'air de considérer (tout au moins le dit-il) que c'est là la meilleure partie de l'écriture et qu'il se passerait bien de la suivante, celle qui consiste à en faire un livre publiable. Dans ce roman à quatre voix, qui nous raconte l'histoire de Louki, cette habituée surgie de nulle part qui entrait par la porte de l'ombre, plusieurs personnes écrivent ou ont écrit, qu'il s'agisse de personnages réels ou fictionnels (le mélange des deux fait partie des "techniques" de l'auteur). D'autant qu'écrire s'entend au sens large ici, car pour ce qui est de "fixer les ombres" à la manière de Bowing, l'annuaire du téléphone est, au même titre que le cahier d'annotations sur les horaires de présence au café des uns et des autres, lui aussi un "écrit"...
Editions Gallimard, 2007
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