Le principe des articles de "pourquoi j'écris": un extrait de texte en italiques, un commentaire personnel ensuite, des liens (en bleu quand ils n'ont pas été utilisés, en gris ensuite) - et la couverture du livre, quand il s'agit d'un livre (le cas le plus fréquent), ou une illustration.
A la base: l'éclectisme, revendiqué.
Du moment qu'il s'agit d'écriture - de préférence de manière métaphorique, voire subliminale...
Associés à cette chronique, deux blogs annexes: "blogorrhée", pour pouvoir parler en sortant du cadre - éventuellement; et "mes textes", au cas où. On y accède par la bande horizontale du haut (même page) ou par le sommaire, à droite (nouvelle page).
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jeudi 3 juin 2010

Je n'ai pas résolu d'écrire

Je ne sais pas quand je commence à écrire, mais je sais que l'écriture se met au travail, insensiblement, dans cette maison où Ange nous installe et se remet à soigner. Pourquoi se met-on à écrire? Je n'en ai pas la moindre idée. Comprenez-moi bien: je n'ai pas résolu d'écrire. Je n'ai pas décidé un jour que je serai écrivain. Je ne me rappelle pas ce qui m'a poussé à écrire pour la première fois, sans doute parce qu'il n'y a pas eu de "première fois". Je sais seulement que je lisais, que je lisais beaucoup. Je crois que je lisais parce que c'était la manière la plus simple de m'évader tout en restant là. 
(...) 
Mais les livres ne contiennent pas toutes les réponses. Comme il a bien fallu que quelqu'un les écrive, comme écrire c'est, à son tour, (se) donner à lire, peut-être, alors, me suis-je mis à écrire. 


Ange Zaffran est médecin à Alger, jusqu'au jour où il doit partir, emmenant sa famille. Son fils Marc nous parle de lui dans un livre qu'il décide de lui consacrer après être devenu lui-même d'abord médecin puis  écrivain. Et après, surtout, avoir pris conscience du point auquel la figure de son père hante depuis toujours ses écrits.

Pour ce qui est de sa posture envers l'écriture, en revanche, elle est la même depuis le début. Dans La Vacation, son premier roman (1989), ouvrage dans lequel la réflexion sur l'écriture tient plus de place que ce à quoi on s'attendrait à la seule lecture de la présentation du livre, il écrit, dans une adresse du narrateur à son double, le docteur Bruno Sachs:

A dire vrai, tu n'as jamais résolu de transcrire la vacation, de la poser sur des lignes. Mais tu l'as toujours fait. Depuis le début.

L'écriture est là depuis toujours, elle impose sa présence:

cette chose existe en toi, envahissante...
  
Le constat est évidemment plus net encore dans l'ouvrage biographique - autobiographique qu'est Plumes d'Ange. Ce livre recèle de nombreuses pépites et retrace, en même temps qu'il reconstitue la vie d'Ange, le chemin qu'a dû parcourir Marc Zaffran pour devenir Martin Winckler - dont il a déjà été question ici (de l'auteur et de son blog). La quatrième de couverture du livre reprend un passage dans lequel l'auteur dit que l'écriture lui vient de son père, dont l'attention l'a "gratifié". Et on se dit en le lisant, tout au long des chapitres, dont certains nous donnent accès à des oeuvres de sa prime jeunesse, qu'en effet, le jeune Marc avait, sous des dehors timides, une grande assurance et une grande foi en lui-même... Comment aurait-il pu, sinon, conserver ces textes si longtemps? Il fallait bien qu'il y croie - même s'il ne se le disait peut-être pas. 
Pour se mettre à écrire, il faut sans doute avoir quelque chose à se dire à soi-même avant tout, mais il faut aussi être capable de se donner l'autorisation de se le dire d'un écouter, de l'écouter de l'autre, bref, se considérer soi-même comme un interlocuteur valable. Et il semble que Marc Zaffran ait pu le faire et ait su se donner un interlocuteur acceptable, en la personne de Martin Winckler, mue à laquelle tout le monde n'est pas capable de procéder...
Cette biographie familiale est bourrée de détails précis, de faits, de dates, de noms: sans nul doute, elle raconte la vie d'Ange Zaffran. Il n'empêche: c'est aussi de nous que parle ce livre - et pas seulement parce que son auteur évoque librement ses lecteurs. Il parle de nous tous, y compris y compris de ceux d'entre nous qui n'ont rien vécu des évènements évoqués, qui ont eu une vie différente en tous points de celle qui nous est racontée. Il parle d'un enfant et de ses parents, de la famille, du passage à l'âge adulte, des souffrances que l'on porte sans rien en savoir, de la manière dont on s'en libère - ou pas, du long chemin qu'il faut faire pour aller vers soi-même. Il parle de chacun de nous. 

POL 2003
Illustration de la couverture: d'après photo, Paul Almasy, AKG-images

1 commentaire:

Ecrire, pourquoi pas? Et si vous commenciez par écrire ici...? Vous pouvez dire ce que vous pensez du livre si vous l'avez lu, ou bien de l'extrait cité... C'est à vous!

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